L'Edito du Dimanche

 

Publié le Dimanche 6 juin 2021 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Chef de famille

imageL’année scolaire se termine peu à peu et après cette période éprouvante, tout le monde aspire à changer d’air, à s’offrir quelques semaines de dépaysement, de repos et surtout, de liberté.

En parlant de liberté, mes gamines ont déjà lancé l’opération « grattage ». Autrement dit, elles remettent de plus en plus souvent sur le tapis la discussion du « jusqu’à quelle heure on aura le droit de sortir pendant les vacances ? » avec l’espoir de gratter du temps, quart d’heure par quart d’heure, à chaque fois que la question est posée.

Leur mère étant bien plus coulante que moi, les mots « minuit » et même « une heure du matin » ont été évoqués avant que je ne mette mon grain de sel… et vous me connaissez, en guise de grain de sel, il s’agit plutôt d’un rocher de sel. Certes, nos vacances se dérouleront dans une résidence fermée et globalement sécurisée. Mais on n’est jamais à l’abri d’un petit crétin avec les hormones en feu qui prend la tombée de la nuit comme un signal lui permettant d’avoir les mains baladeuses. Si ça ne tenait qu’à moi, elles seraient à la maison à 18h30 et, pour toutefois prouver ma grande mansuétude et mon incroyable bonté, je leur laisserais regarder un épisode ou deux de Tchoupi à la télé.
Bon, ok, elles ont 12 et 16 ans. Et alors ? Tchoupi, c’est très bien, non ?

Alors je sais. Vous allez me tenir les mêmes propos que leur mère : « tes filles grandissent, il va bien falloir leur lâcher du lest un jour ou l’autre, arrêter de vouloir les surprotéger et leur laisser faire leur propre expérience ».

Quelle phrase à la con !

imageParce que dehors, ma fille, le Mal est à chaque coin de rue ! Dehors, la violence est partout. Dans cette société où désormais l’individualisme est Roi, où certains ne semblent vivre qu’en écrasant les autres, où certains ne prennent leur plaisir qu’en humiliant les autres, la haine et la bestialité sont quotidiennes. Dehors, des abrutis congénitaux traitent les femmes pire que des détritus et ne sont jamais inquiétés. Dehors, les violeurs agissent en toute impunité, soutenus par une population qui rejette encore trop souvent le crime sur la victime : « mais vous avez vu aussi comment vous êtes habillée ? » « mais vous lui avez souri, c’est bien que vous vouliez le séduire », « vous avez réellement dit non ? Vous êtes certaine ? Mais assez fort pour qu’il l’entende au moins ? ».
Dehors, ma fille, l’enfer se déchaîne sur Terre. On frappe pour un rien. Pour une place de parking, pour un mot déplacé. On tue pour un refus de priorité. Voire même parce que tu n’allais pas assez vite sur la route !
Dehors, ma fille, les agressions se multiplient ! L’animal progresse sur son territoire, imposant son attitude provocatrice et ses agissements inacceptable à tous les autres. Il répand ses molards sur la chaussée, fait cracher sa mauvaise musique à fond sur de mauvaises baffles, se pavane tel un paon sans couleur dans ses frusques ridicules qu’il tente d’imposer comme un signe de ralliement générationnel.
Dehors, ma fille, on écoute, le volume à fond, du Hatik, du Maître Gims, du Jul, du Sniper, du Ninho ! Je pourrais remplir trois pages de noms de ces charognes dont les textes sont une insulte au bon goût, à la langue française voire à l’intelligence et qui à chacun de leurs braillements salissent sans vergogne les origines du rap, violent sans pitié l’idée de base de ce courant musical. Le rap français n’est pas du rap. C’est la vérole de la musique dans laquelle une génération en perdition tente de s’identifier. Mais quelle identité peut-on réellement s’offrir dans la fange et l’excrément ?
Dehors ma fille, Dieu a abandonné les Hommes, pour peu qu’il ait déjà été là, ce dont je doute sérieusement. Car s’il a vraiment créé l’Homme à son image, nul doute qu’il s’est depuis longtemps pendu de désespoir. Car qui pourrait, sérieusement, porter la responsabilité de la création de Vitaa et Slimane ?

imageMoi, perso, je le sentais bien. J’avais mis le ton, j’avais mis les gestes, je m’étais lancé dans un monologue plein d’emphase, poignant et théâtral. Ma prestation était digne de l’Actors Studio et aurait très largement mérité une statuette tant j’étais dans mon rôle, puissant, convaincant, bref, parfait.

Finalement, j’ai perdu mon auditoire en voulant, tel l’artiste seul en scène, leur offrir un rappel. Le un petit peu plus étant l’ennemi du vachement bien, je me suis lancé dans un second paragraphe à base de tsunami, de météorite, de curé pédophile – un pléonasme – et de confiture d’airelles.

Oui, je sais, moi non plus je ne sais pas ce que vient foutre la confiture d’airelles dans le lot.

Alors que je les tenais et qu’elles auraient même été proche d’accepter un couvre-feu à 16h, j’ai raté ma sortie. Un peu comme si De Vinci, ayant terminé sa Joconde, avait décidé finalement de lui coller une moustache « pour voir si ça fait mieux » ou si Rodin avait finalement décidé de faire asseoir son penseur sur un cactus.

Bref.

J’ai pissé dans un violon.

Des fois, je me sens un peu inutile dans cette famille. Le bon gentil crétin qu’on regarde faire ses pitreries avec un sourire de pitié. J’suis le clown du McDo, en quelque sorte.

P’tain. Ça fait mal comme comparaison.

 

 
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