L'Edito du dimanche

 

Publié le Dimanche 28 juin 2020 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

J'ai fait des crêpes

La semaine s’est écoulée et a démontré tout son potentiel de « semaine où il ne se passe pas grand-chose ». Plus tout à fait l’école, pas encore les vacances, pas tout à fait la liberté déconfinée, mais loin d’être la liberté retrouvée… c’est ce que l’on appelle une semaine le cul entre deux chaises. Si une semaine avec un cul. Et si une semaine avait de quoi se payer deux chaises.

Mais bref. Au moins, cette semaine a eu le bon goût de nous offrir des températures élevées. On ne va pas parler de canicule. Pas la peine de se mettre à courir partout en agitant les bras et en criant qu’il faut faire boire pépé et mémé. La canicule, on en est encore loin et de toute manière, on n’en a pas vraiment besoin en ce moment, y’a déjà plein de places de libres dans les EHPAD.

En tout cas, j’ai sorti la piscine gonflable dans le jardin pour faire plaisir aux mômes, j’ai installé les ventilos un peu partout dans la maison et je me suis même fendu d’une petite douche extérieure, histoire de se rafraîchir à toute heure de la journée.

Et le soir, j’ai proposé de faire des crêpes. J’étais dans un bon jour. Un jour de bonté, de partage, de gentillesse et de serviabilité. Comme quoi tout arrive. Et comme quoi, oui, j’en suis capable moi aussi. Bon. Cela dit, quand j’ai proposé de faire des crêpes, je m’attendais à une réaction du type « ouais ! Super ! On adore ça les crêpes ! ». Pas à « tiens, papa va encore terminer bourré à faire le con ! ». Oui parce que quand je fais les crêpes, à la maison, on a une tradition familiale ancestrale que j’ai inventée : si vous lisez régulièrement mes éditos, vous savez que seul derrière les fourneaux, je m’ennuie à enchaîner les louches de pâte et, vu qu’en plus il fait très chaud, j’ai trouvé un moyen simple et efficace de faire passer le temps plus vite et m’hydrater en même temps : le whisky. Ce qui, au bout d’une bouteille entière, se termine généralement à poil en train de danser dans le salon, dans le jardin, dans la rue… bref, à perdre toute estime de soi mais on s’en fout puisque la plupart du temps, je ne m’en souviens pas le lendemain.

Et bien croyez-le ou non, j’ai promis de ne pas boire une seule goutte de whisky pendant cette fournée de crêpes. Preuve, s’il en faut une, que je sais être quelqu’un de mâture, droit et surtout responsable.

Et j’ai donc commencé mes petites crêpes. Comme au bout de 5 minutes, je trouvais le temps long (oui mais la patience n’est pas mon fort), j’ai demandé à ma femme virtuelle de mettre de la musique : « Alexa, mets de la musique de film ». A quoi, de sa voix suave et sexy, elle m’a répondu « Mmmh… Je ne sais pas ». Bon. J’avoue. J’avais articulé de travers. Ça m’arrive quand j’ai le doigt dans la bouche parce que je me suis brûlé sur la poêle. Après une nouvelle demande, plus claire celle-là, elle s’est exécuté avec, d’ailleurs, un excellent choix puisque j’ai eu droit à la musique du Bon, la Brute et le Truand, par Ennio Morricone. Un western. Et que boivent les cowboys ? Du whisky. J’en avais l’eau à la bouche. Ou plutôt le Pure Malt aux lèvres. Mais j’ai tenu bon. J’ai quand même dû nettoyer la crédence après avoir mimé le duel de fin et envoyé de la pâte à crêpes partout dans la cuisine.
Alexa a ensuite enchaîné avec la musique du Parrain, de Nino Rota. Et que boivent les mafieux pendant la prohibition ? Du whisky. J’en avais l’eau aux lèvres. Ou plutôt le Pire Malt à la bouche. Mais j’ai tendu bon. J’ai quand même dû nettoyer une nouvelle fois la crédence après avoir mimé la scène de la fusillade à la mitrailleuse et envoyé de la pâte à crêpes partout dans la cuisine.
Alexa a enfin lancé la musique de Pirates des Caraïbes, d’Hans Zimmer. Et que boivent les pirates sur leur bateau ? Du Rhum ! Et là, ça a fait tilt : j’ai certes promis de ne pas boire une goutte de whisky pendant les crêpes, mais il me reste, de source sûre parce que je l’ai achetée hier, une bonne bouteille de très vieux Rhum Gamme Prestige distillé dans les années 70 que je gardais, vu son prix, pour une très très grande occasion et franchement, si faire des crêpes, ce n’est pas une très très grande occasion, alors je ne sais pas ce qu’il vous faut, hein, non mais alors.

C’est donc des images d’un virevoltant Jack Sparrow plein la tête que j’ai dégusté ce fin nectar, tout en étalant ma pâte dans la poêle et en enchainant les fournées. Les fournées de crêpes, bien entendu. Mais j’ai été très raisonnable sur le rhum.

Juste un fond de verre, pour goûter m’hydrater.

Mais bon, comme j’avais eu à peine le temps d’en apprécier les saveurs, j’en ai repris un.

Ah mince, j’en ai trop versé dans le verre.

Bon, tant pis. Ah, tiens, tout s’est évaporé avec la chaleur.

Bon, ben j’en reprends un alors…

De fil en aiguille, la bouteille s’est bizarrement retrouvée très rapidement vide. C’est un vrai souci et il faudra qu’un jour, j’écrive à l’Union Internationale des Spiritueux, si elle existe, pour leur dire que leurs bouteilles sont vraiment très trop pas assez grandes. Du moins à l’intérieur. Parce qu’à l’extérieur on se dit que d’accord, ça contient bien 70 cl, mais une fois qu’on la vide, on se rend bien compte que justement, le compte, et bien il n’y est pas.

En tout cas, j’ai terminé mes crêpes. On a dîné calmement et nous sommes tous partis nous coucher comme n’importe quel jour de la semaine. Parfaitement. Je m’en souviens comme si c’était hier. Ou avant-hier, parce que le lendemain matin, j’avais quand même un peu mal aux cheveux et c’est un comble pour un mec qui n’en a plus beaucoup.

Ce sont mes filles qui m’ont expliqué que non, ça ne s’est pas tout à fait passé comme ça.

Il parait qu’entre deux crêpes, j’ai voulu me couper une tranche de saucisson. Et que pour déconner, j’ai voulu faire ça avec un ventilateur. Les morceaux de saucisson explosés un peu partout dans le salon, c’est à cause de ça.
Je me suis déshabillé dans le frigo. Mention spéciale pour les chaussettes dans le freezer.
Je me suis brûlé en faisant les crêpes et j’ai voulu sauter dans la piscine pour calmer la douleur. Mais du premier étage parce que, selon mes propres paroles, « J’suis un pirate et un pirate, il saute du grand-mât dans la mer ». J’ai atterri sur le boudin gonflable, rebondi dessus juste avant qu’il n’éclate et que toute l’eau ne se répande dans le salon dont j’avais laissé la porte-fenêtre grande-ouverte. Quant à moi, j’ai finalement fini mon saut dans le massif d’hortensias.
A poil, plein de terre et de morceaux de plantes, je suis sorti prendre à l’abordage une bagnole qui venait de griller le stop près de chez moi. Je l’ai stoppée en lui jetant un petit caillou. Bon, d’accord, une pierre. Bon, d’accord, une grosse pierre ornementale qu’on avait dans le jardin et qui, maintenant, est à moitié dans la tête du conducteur.
J’ai fait une chasse au trésor chez un voisin, trois rues plus loin, qui avait une tractopelle chez lui pour arracher une souche. Maintenant, il a de quoi se faire une piscine olympique dans son jardin.
Puis j’ai fui dans la nuit, toujours en chantant Pirates des Caraïbes.

J’ai été ramené par les forces de l’ordre le lendemain matin. Paraît que je suis entré par effraction dans le Château de Versailles, dans le but de dérober un canon pour mon bateau. Enfin, mon bateau-voiture. Enfin bon bateau-tractopelle. Mais à Versailles, point de canon. Alors que merde, c’est un château, quoi. Un château, ça a forcément des canons, non ? Toujours est-il que j’ai fini dans la Galerie des Glaces à faire l’hélicobite devant les miroirs parce qu’apparemment, je trouvais ça très drôle. Putain d’hélicobite. Ce truc me perdra. A ma femme qui se confondait en excuses, les policiers ont répondu qu’il n’y avait pas de problème, qu’ils avaient l’habitude avec moi, que c’était plutôt drôle en fait, que j’étais sympa et amusant et qu’on avait passé une bonne soirée à essayer de me choper, qu’il faudra juste payer pour le lustre sur lequel j’ai grimpé en hurlant « Hissez la grand'voile, affalez la trinquette et sortez le foc ! », phrase qui m’a tant fait marrer que je me suis écrasé comme une merde sur le parquet, quatre mètres plus bas. Sans dommage, vu que j’étais confi comme un fruit. Et me suis endormi direct, au final.

Bref. J’ai fait des crêpes.

J’en referai peut-être la semaine prochaine.

Ils passent Docteur Jivago à la télé et ça tombe bien, j’ai trois bouteilles de Vodka d’exception dans ma cave.

 

 
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