L'Edito du Dimanche

 

Publié le Dimanche 14 juillet 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Ab absurdo

imageA une certaine époque, pas si lointaine que ça d’ailleurs, où Youtube n’avait pas remplacé la messe du Dimanche pour toute une jeune génération de débiles persuadés que les Youtubeurs sont les nouveaux Jésus et les nouveaux Apôtres dont la parole est sacrée, nous avions notre lot de philosophes déclamant leurs pensées à longueur de journée.

Ces nouveaux Socrate, Platon, Aristote et autres Diogène de Sinope évoluaient dans des cercles privés relativement restreints – même si ouverts à tous – et formaient à eux seuls une école de la vie très particulière. On les appelait « les piliers de comptoirs », et la profondeur de leur philosophie se mesurait en degrés d’alcool qu’ils avaient consommé. Et on se régalait, en ricanant, de leurs « Tu sais Mimile, toutes les femmes naissent des princesses, mais la vie les fait devenir des guerrières », le point de fin de phrase étant remplacé généralement par « Vas-y Gérard, remets-moi la même chose ». Mimile, lui, le nez dans son sixième Picon-bière à huit heures du matin, répondait « Tous ceux qui se croient importants devraient se souvenir que le lion marche seul alors que le mouton se déplace en troupeau, ouaip, vas-y Gérard, remets-moi la même chose ». Et Maurice, que tout le monde bien entendu appelait Momo, y allait aussi de sa petite pensée philosophique « Si les gens essayent de nous tirer vers le bas, ça veut bien dire qu’on est au-dessus d’eux, hein, vas-y Gérard, remets-moi la même chose ». Et Mimile, Emile bien entendu, repartait de plus belle « sans pluie, rien ne pousse, alors faut apprendre à apprécier les orages de la vie, d’abord, vas-y Gérard, remets-moi la même chose ».

imageLa particularité de ce courant philosophique « Piliers de comptoir », est que ces philosophes ne s’écoutaient jamais entre eux, n’analysaient jamais leurs grandes pensées qu’ils déclamaient de manière incessante, mais avaient toujours une oreille qui trainait pour se mêler de la conversation des autres. Et ils n’hésitaient pas à intervenir pour répandre leur infinie sagesse puisée au fût ou au fond d’un cul de bouteille de Pastis 51.

Ils existent encore un peu. On en croise toujours quelques-uns, mais il faut bien avouer qu’ils sont désormais bien plus rares, ces Mimile, Momo et autres Gérard qui avaient sans doute bien d’autres prénoms mais qu’on imaginait affublés de blases de vieux, démodés, déconnectés de la modernité comme leur corps et leur esprit semblaient l’être.

Ils étaient surtout la risée de tous (à part du gérant du bar-tabac dont ils étaient la base du chiffre d’affaires). Méprisés, montrés du doigt…

Et pourtant, leur philosophie a déferlé sur le monde de manière incroyable. Ce sont eux qui ont gagné, qui ont réussi à installer leur état d’esprit au-delà des frontières. Ce sont bel et bien eux, les nouveaux Apôtres de notre époque et il était temps de leur rendre la place qu’ils méritent.

Si, si, je vous assure. Je n’exagère en rien. Parce que putain, mais vous avez regardé vos statuts Facebook, bordel ? Vous êtes tous ces nouveaux piliers de comptoir ! Je n’en peux plus des grandes phrases à la con que vous déblatterez à longueur de journée, persuadés que vous êtes de détenir la vérité pure, d’être la quintessence même de l’existence, et que l’Humanité court à sa perte si vous ne répandez pas votre bonne parole au sujet de la vie, de la morale, voire même de la politique. Je n’en peux plus de ces analystes à deux balles qui assènent leurs propres vérités sur le monde et fustigent toute pensée contraire, tels des Ayatollahs 2.0 de mes couilles et appellent à la guerre sainte tout avis qui ne va pas dans leur sens.

imageSimple outil de flagornerie, Facebook permettait déjà de mettre en scène votre inintéressante existence à base de photos de plats à la con et de pieds nus sur la plage. Mais non, ça ne vous a pas suffi. Il a fallu qu’en plus, vous nous abreuviez de toute la merde que vous avez dans la tête.
Et je vous entends déjà blatérer votre défense avec des « mais t’as qu’à te désabonner dans ces cas-là », à quoi je répondrais par une de ces phrases philosophiques à con lue il y a peu sur un des avis : « Un vrai ami n’est pas celui qui est d’accord avec tout ce que tu dis ou tout ce que tu fais, mais qui sait te montrer tes erreurs et te remettre sur le droit chemin ». Genre de phrase généralement attribuée à Gandhi, Jésus, Albert Einstein ou encore Hitler, de toute manière, on s’en branle, vous avez autant de culture qu’un bulot. Et encore, là, j’ai corrigé les fautes d’orthographe.

Enfin bref. Je n’en peux plus des déclarations Facebook. Je n’en peux plus des grandes tirades politiques et grandes citations philosophiques de personnes qui de toute manière sont à peine assez évoluées pour comprendre dans quel sens tourner le robinet pour avoir de l’eau chaude. J’en suis même venu à regretter l’époque des photos pseudo-gastronomiques prises dans n’importe quel rade.

J’ai besoin de vacances. Vraiment. Loin de tout. Parce que parfois, « le salut de l’âme réside aussi dans le besoin de solitude face à la multitude de la bêtise humaine ».

Vas-y Gérard, remets-moi la même chose.

 

 
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Commentaires

Ecrit par dieudivin le 14/07/2019 à 13:45

 

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Inscrit le 18/03/2011

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Mais... Cedric... Tu ne bois ni Picon, ni Ricard !!!
Et un verre de bon whisky dans un bar ça coûte un bras...
Pas facile d'être philosophe quand on est fauché smiley 13

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