Publié le Dimanche 26 novembre 2017 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Mundi placet et spiritus minima

Dès ce matin, parce que ma femme aime bien me tomber sur le râble alors que je suis encore à moitié endormi des frasques de la veille, même si, soit dit en passant, de frasques il n’y eut pas hier soir, mais plutôt vendredi soir, nous y reviendrons plus tard dans cet édito, dès ce matin, disais-je, ma femme m’a reproché, outre le fait d’avoir laissé traîner mon pull sur la chaise du salon ce qui, selon ses dires, n’est absolument pas sa place et que, du coup, j’aimerais bien savoir ce que vous en pensez et où, vous, vous posez vos pulls chez vous, parce qu’on tous une patère ou un porte-manteau pour ses manteaux, justement, mais est-ce que vous en avez aussi pour les pulls, ça c’est une autre histoire, en tout cas, donc, ma femme me reprochait d’avoir laissé traîner mon pull, mais aussi d’avoir comme d’habitude oublié de ranger la bouteille de whisky que j’avais sorti hier soir parce que, et je pense là par contre que vous êtes une majorité dans le même cas à aimer se taper un petit apéro le samedi soir, et ce même si vous restez en famille sans forcément recevoir des amis, puisque sortir l’apéro quand on reçoit des amis est non seulement chose habituelle, mais également nécessaire, bref, la bouteille traînait, mon pull traînait et ma femme n’a pas manqué l’occasion de me le faire remarquer d’autant plus qu’il faut passer l’aspirateur le dimanche matin et que c’est, en théorie, mon rôle, en plus d’écrire l’édito, mais surtout, elle me faisait remarquer, après l’avoir aidé à rédiger un courrier officiel à une quelconque instance administrative, parce que souvent, je l’aide dans la rédaction de tels documents vu que, malgré tout ce que l’on peut en dire ou penser, écrire, c’est quand même un peu mon métier, mais ne nous éloignons pas du sujet, ma femme me faisait remarquer, disais-je, que j’ai ces derniers temps à faire des phrases un brin longues et alambiquées.

Je ne comprends pas pourquoi elle m’a dit ça, d’ailleurs. C’est bizarre.

C’est peut-être les restes de la soirée de vendredi, cela dit. J’avoue que j’ai fait quelques excès. J’étais dans une soirée gay avec François Rollin. Oui, l’humoriste. Même le qualifier d’humoriste n’est là que pour situer la personne et ne saurait être représentatif de ses multiples casquettes que lui confèrent ses multiples talents. Alors je sais ce que vous vous dites : « Quoi ? Le Professeur Rollin est gay ? ». A quoi je vous répondrai : « moi non plus. »
Le fait d’être dans une soirée gay ne signifie en rien qu’on l’est soi-même, mais juste qu’on se retrouve là invité par les organisateurs, invité par des amis, ou tout bonnement par hasard parce qu’on a vu de la lumière, que l’ambiance semblait bonne et qu’on avait soif. En l’occurrence, nous étions, tous deux, invités par les organisateurs. Et tous deux accompagnés. De nos compagnes.
Nous avons longuement parlé tous les quatre. De la vie en général. De l’amour. De l’humour aussi, bien entendu. En espérant ne pas avoir été trop lourd, ni blessant puisque ce n’était pas mon intention, j’expliquais à tel point son annonce d’arrêter la scène faute de pouvoir en vivre a été un crève-cœur pour moi. Parce que même si je n’ai jamais été particulièrement fan de son humour, j’ai au moins la capacité de reconnaître le talent d’un auteur et la qualité de plume quand j’en vois. Même si, j’avoue, parler de plume dans une soirée gay, c’est un brin osé. Reste que ce fut un agréable moment, notamment à partager une tarte aux pommes et une mousse aux fruits rouges. Même si parler de tarte aux pommes dans une soirée gay, c’est un brin osé.

En attendant, de verre en verre, de discussions en discussions, j’ai sombré dans un état catastrophique, quand bien même j’essayais de faire bonne figure, et j’espère toutefois ne pas avoir raconté trop de conneries ce soir-là. Enfin, pas plus que d’habitude, disons. Parce que déjà, d’habitude, c’est plutôt gratiné…

De rencontre en rencontre, je me suis créé de nouvelles sympathies et ma femme a bien cru qu’elle ne me ramènerait pas chez nous. Je me demande, si je n’avais pas passé la soirée à expliquer combien je tenais à mon hétérosexualité, à côté de qui je me serais réveillé samedi matin.

La soirée fut excellente, dans tous les cas, et je me suis amusé comme un fou. Ou une folle. C’est comme vous voulez, à ce niveau-là, je m’en fous. Ou je m’en folle. J’ai rencontré plein de gens charmants, j’ai revu plein de gens que j’aime beaucoup, dont ma femme d’ailleurs, et je me suis pris une mine qui a transformé mon samedi en journée brumeuse. Ce fut difficile d’aller au bout. Même si parler de bout dans une soirée gay, c’est un brin osé.