Publié le Dimanche 12 mars 2017 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Un week-end nature

J’avoue. Quand ma femme m’a lancé, un soir, « Il faut cultiver notre jardin », j’ai cru candidement que c’était un appel à ce que je lui saute dessus et que j’aille explorer ses petites broussailles, histoire d’aller cueillir son fruit défendu avec mes outils de jardinage.
Et je peux vous dire que dans ce cas-là, j’ai carrément la main verte.

Sauf que non.

Après m’avoir fait comprendre sèchement que je devais ranger ma binette et garder ma pelle dans ma bouche et non pas dans la sienne, elle m’a expliqué qu’elle s’était inscrite à une nouvelle association gérant des « jardins partagés et jardins familiaux ».
« Tu verras, en plus, y’a deux ou trois de tes potes qui en font partie aussi ». Ce qui, en langage féminin, veut dire « tu viens, t’as pas le choix, tes potes n’ont pas eu le choix non plus ».

Dans l’espoir malgré tout de parvenir ce soir-là à mes fins de jardinage intime, j’ai acquiescé et ai souligné à quel point c’était une riche idée, que j’avais hâte de débuter l’aventure. Un petit mensonge dans l’idée de la mettre dans de bonnes dispositions. Ce fut peine perdue. « C’est la journée des droits de la femme aujourd’hui, laisse-moi juste avoir le droit que tu ne m’emmerdes pas au moins une fois dans l’année » m’a-t-elle expliqué.
Ma femme m’adore. C’est clair. Elle a juste un peu de mal à exprimer ses sentiments de temps en temps.

Voilà donc comment je me suis retrouvé hier après-midi, bottes aux pieds, à patauger dans la boue pour planter des arbres à la con et des arbustes de merde.

Cette nouvelle association, avec le soutien de la municipalité, a reçu l’autorisation d’exploiter un terrain pour, donc, en faire des jardins familiaux et jardins partagés. Pour les incultes, en gros, vous avez tout un tas de petits jardinets les uns à côté des autres, certains réservés à une famille (jardins familiaux), d’autres à la communauté (jardins partagés), le but étant essentiellement les échanges, les rencontres, et, depuis que j’y suis donc inscrit, la picole pendant que ces dames plantent des salades et des carottes. Parce que c’est bien gentil, hein, les jardins, mais le Ricard, ça ne pousse pas au milieu des navets et avant d’avoir une récolte de cahuètes avec notre climat, on peut crever la bouche ouverte.

Sauf qu’avant de s’asseoir et de profiter des petites tomates cerises bien juteuses, il faut les créer, ces jardins. Retourner la terre, préparer les parcelles, et planter quelques arbres fruitiers et arbustes pour la déco…

Alors au début, quand même, toujours dans l’idée de pouvoir expliquer à ma femme combien j’ai été sympa et serviable dans la journée et combien je mérite une petite récompense le soir, j’ai filé un coup de main.
Tout d’abord, j’ai commencé à creuser un trou. « Il est un peu grand ton trou, même pour planter un arbre. On pourrait mettre un ou deux types dedans », m’a-t-on fait remarquer au bout d’un moment.
« Oups, désolé, l’habitude », ai-je répondu avant de rectifier le problème à coups de pelle. Sauf que cette fois-ci, le coup de pelle, c’est dans le sol que je l’ai donné.
C’est quand j’ai commencé à planter les arbustes à l’envers qu’on m’a demandé d’aller aider ailleurs.
« Oui mais ce sont des framboisiers, et moi, les framboises, j’aime pas ça. Et puis chacun son truc, mais moi j’trouve ça joli, un bouquet de racines ».
« Va plutôt donner un coup de bêche » m’a-t-on demandé.
« A qui ? » j’ai répondu.
« Personne, va juste retourner un brin la terre de cette parcelle, là-bas, pour l’aérer ».

Sauf que personne ne m’a cru quand j’ai expliqué ne pas avoir fait exprès de coller un coup de manche de bèche dans la tête d’un gamin qui courait autour de moi en jouant aux indiens et en hurlant. Pourtant, je vous jure, c’était un accident. Même si j’ai déclaré ensuite « ben voilà, au moins, tu vas gueuler pour quelque chose maintenant, petit con ».

Ensuite, toujours dans l’idée de me rendre utile, j’ai commencé à retirer les gros cailloux qui traînaient un peu partout. Avant qu’on me conseille de les regrouper dans un sac au lieu de les lancer sur la maison à côté.
« Je peux terminer quand même ? Me reste juste un carreau à péter… »
« Non, non, le sac, on te dit ».

Finalement, j’ai été embauché pour tasser la terre autour des plantations. A sauter dessus en gueulant comme un gamin. C’était marrant. Bon, du coup, y’a plus un arbre de droit ou un arbuste intact, mais je me suis marré comme un gosse. Je me suis viandé une ou deux fois, j’étais recouvert de boue, c’était vachement chouette.

Ma femme m’a dit que si je préférais, je pourrais rester à la maison la prochaine fois. Que ce serait peut-être mieux. Mais je lui ai dit que non. Que les jardins familiaux et partagés, c’est une chouette de bonne idée. J’ai hâte d’y retourner.