Publié le Dimanche 27 octobre 2013 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Pierre et le Loup

Vous connaissez tous l’histoire de Pierre et le Loup. Ou du moins vous devriez la connaître. Pierre était un petit garçon menteur et farceur. Un jour qu’il s’ennuyait, il cria « au loup », appelant à l’aide avant de se faire dévorer par le dangereux prédateur.
Les villageois s’armèrent et accoururent, pour se rendre compte qu’il s’agissait d’une farce de l’enfant.
Peu de temps après, rebelote. Pierre s’ennuie et réitère ses exploits de « p’tit con ». Une fois encore, les villageois se laissent berner et se précipitent pour l’aider alors qu’il s’agit d’une « blague ».
Quand peu après, ils entendent crier « au loup », ils ne réagissent pas. Parce que bon. Hein. En plus c’est l’heure de l’apéro et que faut pas non plus exagérer.
Sauf que cette fois-ci, c’était vrai. Et Pierre mourut déchiqueté par le canidé. On ne retrouva de lui qu’un morceau de boite crânienne et quelques vêtements en lambeaux et tâchés de sang. Voire un morceau d’intestin par-ci par-là. Et là, il fait moins le malin, Pierre.

Bon. L’histoire est ancienne. Aujourd’hui, les loups ont été exterminés à grands renforts de chevrotine ou sélectionnés pour devenir de gros toutous à leur mémère engraissés aux croquettes à l’huile de palme et qui viennent chier sur nos trottoirs sous les applaudissements béats d’une mongolienne citadine qui ne prendra pas même la peine de ramasser le prodigieux étron que son kiki a largué juste devant la sortie de l’école maternelle et je te préviens connasse que si je te retrouve, je te fais manger ton youki laisse incluse.

Mais bref. Revenons à nos moutons. Ou nos loups, pour être plus précis.

Aujourd’hui, il faudrait moderniser le conte, je l’avoue. Pierre s’appellerait Kevin. Ou Steven. Enfin un de ces prénoms bien ridicules que quelques mous du bulbe ont décidé d’affubler leur progéniture. Et le pire, dans tout ça, c’est qu’il n’y a pas de secret : la plupart du temps, quand vos parents sont de gros débiles, il est rare que vous deveniez un génie. La vie, ce n’est pas comme dans les films où de deux étrons naissent une rose.
Quant au loup, ce serait un curé pédophile. Je précise, même si certains diront que c’est un pléonasme.
Enfin bref. Kevin hurlerait au pédophile. Bon. Vu que la crise n’a pas seulement affecté les portes-monnaies mais également le QI des populations, la populace sortirait dans la rue, brûlerait le premier type qu’elle croiserait, surtout si le type est basané, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf pour le basané, mais hein, on ne va pas s’émouvoir pour le premier bougnoule venu, non ? En temps de crise, on a tendance à se réfugier dans les extrêmes… du coup, les premiers à morfler, ce sont ces salauds d’étrangers qui viennent nous piquer notre pognon, nos emplois, voire nos femmes, alors en liquider un, c’est toujours ça de pris, non ?

Non mais en fait, on ne peut pas le moderniser, le conte. Kevin et le pédophile, c’est un conte en un seul acte, façon Outreau, par la faute d’une société moderne qui n’écoute plus, qui n’accueille plus, qui est devenue nombriliste jusqu’à la nausée.
Regardez, on a même le FN qui veut nous expliquer que ce n’est pas un parti d’extrême-droite.
Regardez, on a même des gens qui le croient…

Et même si je reste le dernier connard sur mon île à croire que la société et le monde, voire l’intelligence, est faite de pluralisme culturel et d’ouverture religieuse, je serai Robinson, tout en espérant que j’aurais moi aussi mon Vendredi. Comme ça, ça me fera un week-end prolongé. Et si Vendredi peut non pas être un vendredi mais une vendredi, c’est tant mieux. On pourra repeupler la Terre une fois que les abrutis se seront tous entretués au nom de la race suprême et de la supériorité d’un Dieu par rapport aux autres.
Et puis, à bien y réfléchir, devenir le nouvel Adam et avoir une Eve noire, ça aurait de quoi flatter mon égo surdimensionné. Et puis, j’ai étudié mes classiques, hein. Le serpent, s’il descend de son arbre, je le bouffe.
Je pourrai ainsi continuer à batifoler sur mon île la nouille au vent, les herbes folles me chatouillant les mangues et l’ananas en fleur. Je pourrai nager dans le plus simple appareil, priant mon Dieu – moi en l’occurrence – qu’une méduse ne vienne pas larguer ses filaments à certains endroits incongrus et ce même si Eve prendrait un malin plaisir à me tartiner de la crème de coco pour apaiser mes souffrances. Je chasserai le poulpe au harpon, la truite à mains nues, la palourde au couteau et le couteau à la cuillère. Et le premier qui me fait remarquer que la truite, c’est un poisson d’eau douce, je lui répondrai que d’une, je n’y connais rien en poissons et de deux, étant le dernier – et donc premier – homme sur Terre, j’ai le droit de renommer n’importe quelle espèce selon mon bon vouloir. Et du haut de mon nuage, dans quelques siècles, quand j’aurai par ma descendance repeuplé la planète, si j’ai envie de me marrer tout seul en lisant qu’un surfeur a été tué par une sardine, ça me regarde.

Enfin bref.

Et dire qu’à la base, je vous parlais de Pierre et le Loup et qu’on est rendu à parler de la Génèse… alors que je voulais simplement dire que suite à mon édito de la semaine dernière dans lequel j’annonçais mon divorce – une sombre farce destinée à culpabiliser Stéphanie (je vous ai déjà parlé d’elle ?) – le jour où ça va vraiment arriver, personne ne me croira plus. Comme Pierre et le Loup, donc. Et pour une fois, juste une fois, une unique fois, je n’ai pas le rôle du loup.