Publié le Vendredi 14 mars 2025 à 12:40:00 par Julia Bourdin

 

Crown Gambit : Découverte et interview de Gobert

Royaume corrompu cherche paladins débutants

Il y a peu, j’ai eu l’occasion de tester Crown Gambit, le prochain bébé du studio rennais Wild Wits et de l’éditeur Playdigious Originals.

Crown Gambit est un jeu narratif tactique en solo dans lequel vous allez incarner de jeunes paladins du royaume de Meodred. Cependant, une terrible crise politique met à mal l’équilibre du royaume et un mal inconnu semble tirer les ficelles dans l’ombre. Chaque prétendant rassemble ses troupes pour s’emparer du trône tandis que les roturiers sont à deux doigts de la révolte. Malgré vous au cœur de cette agitation, vous allez devoir prendre des décisions difficiles pour empêcher le royaume de sombrer dans le chaos sans jamais savoir à qui faire confiance. Qui seront vos alliés ? Vos ennemis ? Et quel avenir attend le royaume ? Tout repose sur vous.



Ma découverte :
J’ai eu l’occasion de tester le prologue ainsi que les deux premiers chapitres du jeu. Dire en intégralité serait mentir, car chaque choix narratif vous ferme une voie du jeu. Vous ne rencontrerez jamais certains personnages ou ne verrez jamais certains lieux. Les complétionnistes auront du grain à moudre pour tout voir, d’autant plus que les entrées de l’encyclopédie ne se complètent qu’au fur et à mesure, j’ai adoré la feuilleter et la voir se remplir. Nos choix sont gravés dans le marbre et forment autant les relations de nos paladins avec l’extérieur que leurs propres personnalités. Cela correspond très bien à l’ambiance dark-fantasy qui s’échappe autant de l’univers que de l’aspect graphique.

Nos paladins sont d’ailleurs tous les trois très uniques et si je pensais au début que j’allais préférer Aliza et sa fougue un brin féministe, son côté sanguinaire et sans pitié m’a plus rapprochée de Hael, plus doux et bienveillant même si un peu tropcandide par moment. Comme il est un peu plus discret et silencieux au début, j’ai moins cerné Rollo mais j’appréciais son pragmatisme et sa camaraderie.

L’univers quant à lui semble très bien ficelé : il est dur en les découvrant de se figurer quel candidat au trône soutenir chacun ayant ses aspirations et surtout ses parts d’ombre. En plus, ils ne seront pas notre seul problème étant donné le complot mystique que nous semblons être partis pour déterrer et qui risque de remuer grandement le royaume… Chaque choix vous rendra un peu plus paranoïaque à chaque fois, je vous le promets et je dois avouer que devoir m’arrêter après ce deuxième chapitre m’a laissée grandement sur ma faim ce qui est prometteur.

Nous avons donc une narration très dark fantasy qui est élégamment sublimée par son aspect graphique : un style 2D très tranchant signé par l’artiste français Gobert. Le jeu est très beau, à la fois plein de couleurs mais aussi très sombre par son ambiance.


Bref, nous avons tout ce qu’il faut côté narration mais qu’en est-il côté gameplay ? Le jeu est un jeu de combat de cartes. Le
système global est très facile à prendre en main : il y a des points d’action qui régissent à peu près tout et des cartes à piocher avec des dégâts ou des effets spéciaux. Mais ce que j’ai beaucoup aimé dans ce système et qui lui rajoute une grande profondeur c’est la présence d’un terrain en cases sur lequel il va falloir se déplacer pour attaquer et se protéger des ennemis. Être bien placé pour des dégâts de zone, faire reculer ses personnages les plus faibles au bon moment pour les protéger, influencer les points d’action de son adversaire pour qu’il ne puisse pas nous atteindre, … Le combat se révèle plein de subtilités et je me suis retrouvée à trouver mes combats très intéressants à planifier déjà par tour, car l’ordre au sein de votre propre tour de jeu peut tout changer grâce à d’intéressants placements ou combos d’effet, mais aussi au long terme car certaines cartes peuvent être conservées d’un tour sur l’autre. Moi, qui ne suis pas la plus grande amatrice de jeux de cartes je me suis bien prise au jeu, et avec la présence de 4 niveaux de difficulté, aficionados comme novices peuvent y trouver leur compte.

Additionnellement, le jeu se dote d’une mécanique spéciale qui peut encore agrandir le champ des possibles lors d’un tour. Mais je ne préfère pas trop en dire car à trop l’utiliser vous pourriez y perdre votre âme.

Le seul point négatif est que j’ai rencontré quelques frictions avec l’interface durant les combats de cartes : pour déclencher certains pouvoirs avec des effets de groupe il faut quand même sélectionner une cible ou il faut cliquer sur un côté de l’écran opposé, bref des petits détails de ce genre... Ces frictions s’adoucissent cependant au fur et à mesure que l’on prend la main et pourraient être résolues durant le temps de polish qui reste au jeu. Je n’ai donc pas trop de craintes à ce sujet.

En conclusion, moi qui ne suis pas du tout une joueuse aguerrie de jeux de cartes et qui étais surtout attirée par l’aspect narratif, j’ai été agréablement surprise, le jeu se prend très bien en main peu importe notre niveau de jeu et les niveaux de difficulté supérieurs sauront donner du fil à retordre aux amateurs du genre. Enfin, si vous aimez la dark fantasy, gardez Crown Gambit dans un coin de votre œil ou directement dans votre liste de souhait Steam. Les personnages sont prenants, l’univers est sombre à souhaits et la DA est superbe, vous aurez à boire et à manger.




L’interview de Gobert :
Après ma découverte du jeu j’ai eu l’occasion de rencontrer Gobert, directeur artistique de Crown Gambit.

1ère question : Pourriez-vous vous présenter et présenter le studio Wild Wits ?
Gobert, de son vrai nom Antoine Tabouret-Loudeac, est un artiste breton qui côtoie autant le monde du jeu vidéo que celui de la bande dessinée ! Issu de l’école des Beaux-Arts de Liège, il est biberonné aux mangas avant d’être éduqué aux codes de l’illustration européenne. Sur Crown Gambit, il est directeur artistique, cela signifie qu’il en charge des choix graphiques et de la cohérence visuelle, et lead artist sur tout ce qui touche à la 2D du jeu.
Le studio Wild Wits quant à lui est un studio rennais né à la fin de la crise covid durant le confinement. Crown Gambit est le deuxième jeu du studio après Aetheris, un RPG/roguelike tactique. Le studio se définit comme indépendant, faisant des jeux avec des codes de jeux indés. C’est un petit studio d’une dizaine de personnes.

2ème question : Comment définiriez-vous le genre de Crown Gambit ?
Crown Gambit est un jeu de rôle de cartes axé sur la narration. Le gameplay est inspiré des jeux tactiques. Mais le cœur du jeu est de faire des choix, et en particulier d’essayer de prendre “la moins pire décision” dans un climat politique très compliqué et tendu.

3ème question : Quelle est la source d’inspiration du jeu ?
Graphiquement, la principale source d’inspiration du jeu est l’artiste de comics américain Mignola, le créateur de Hellboy. Le tout avec bien sûr quelques influences de Berserk et Lovecraft. Gobert explique que c’est son style à lui, avec lequel il a déjà travaillé en BD et que c’est pour travailler avec ce style que Corto, le co-fondateur et directeur créatif du studio, a recruté Gobert et proposé Crown Gambit.
Narrativement, Corto s’est beaucoup inspiré de Game of Thrones et The Boys. Du premier, il retire son univers politique complexe et du second son ordre de paladins très puissant mais corrompu et rempli d’ordures.


4ème question : A qui s’adresse-t-il ? Quel type de joueurs ? Quel âge ?
Le jeu s’adresse à des joueurs matures, Gobert ne recommande pas le jeu avant 16 ans, fans de narration et de dark fantasy. Il précise cependant que le jeu ne s’adresse pas particulièrement à des joueurs hardcores car tous les niveaux de joueurs peuvent trouver leur compte grâce aux différents modes de difficulté.


5ème question : Comment passe-t-on de Aetheris, votre premier jeu, à Crown Gambit ?
Avec Crown Gambit, il y a une volonté de continuité dans le studio. En effet, Aetheris était déjà un jeu de cartes tactique en 2D, les différents membres sont donc formés à ce type de jeu. L’idée était donc de pouvoir faire fructifier ces talents déjà présents avec une vraie volonté de montée en qualité. Surtout côté narratif, qu’ils ont dû un peu négliger avec Aetheris et qu’ils voulaient vraiment mettre en avant cette fois-ci. Corto aime tout particulièrement travailler avec des artistes et en faire la pièce centrale de ses projets. Comme celui d’Aetheris travaillait sur le bouclage de celui-ci au début du projet Crown Gambit, Corto a décidé de faire cette fois-ci appel à Gobert, ce qui a donc causé le changement drastique de direction artistique entre les deux jeux.

6ème question : Vous nous avez confirmé être une dizaine de membres dans votre studio ? Comment s’organise-t-il ? Le travail ?
Le mot clef utilisé par l’équipe est “accomptabilité” : chaque personne a son poste et ses tâches assignées dont il s’occupe avec une certaine liberté mais aussi par conséquent un certain niveau de responsabilités. Ils restent également flexibles pour combler différents besoins. Ils considèrent que le studio est très horizontal dans sa façon de s’organiser et de diriger le projet : chacun peut donner son avis sur tout et est invité à le faire. C’est ainsi que Gobert a pu également travaillé sur la narration, le worldbuilding et même un peu de game design.

7ème question : Le jeu est édité par Playdigious Originals, comment se concrétise le rôle de cet éditeur ? En quoi influence-t-il votre travail ?
Cette fois-ci, en plus de Gobert j’ai pu poser cette question à une des personnes de l’équipe éditoriale. Playdigious a un rôle qu’ils veulent plus d’accompagnants que de prescripteurs, ils aident à trouver les financements notamment grâce à un carnet d’adresse bien fourni et apportent leur savoir-faire sur les aspects éditoriaux notamment les bandes-annonces. Ils se veulent comme des facilitateurs. Ils leur arrivent de donner des conseils sur le jeu, notamment grâce à l’expertise de Thierry Perreau à la tête de leur département éditorial et qui a travaillé sur Adibou, c’est dire le vétéran de l’industrie. Cependant, le studio a le dernier mot. Par exemple, ils ont apporté leur avis sur le tutoriel mais le studio a eu la décision finale sur sa structure qu’ils soient d’accord avec ou non. Playdigious veut garder une patte indé dans ce qu’ils éditent, avec un parti pris narratif fort et des DA originales.

8ème question : Le jeu est-il prévu sur Steam uniquement ?
Oui, pour le moment.

9ème question : On peut remarquer de nombreux termes et expressions bretons dans le jeu. Pourquoi cette volonté et comment cela s'intègre-t-il ?
Gobert nous explique que lui et le studio sont très attachés à leur culture bretonne et ont voulu la partager et la mettre à l’honneur dans le jeu. Notamment, de nombreux éléments de fantasy en sont inspirés. Cela a posé quelques soucis pour la traduction, le jeu devant être également pensé en anglais. Pour y remédier, le studio travaille dès le début de sa production avec un traducteur ce qui leur permet d’avoir la mainmise sur certains petits détails. Par exemple, la traduction littérale du nom de famille d’Aliza ne plaisait pas à Corto et Gobert et elle aura donc un nom de famille légèrement différent en anglais.