Publié le Mercredi 11 octobre 2017 à 12:00:00 par Pierre Le Pivain
Blade Runner 2049 : Nouvelle Analyse
Le film de l'annnée ?
Jamais je n’aurais supposé, un jour, revenir derrière le clavier pour écrire de nouveau pour un site d’actualités, quel qu’il fût, mais lorsque Cedric m’a demandé de reprendre la plume pour écrire un article sur Blade Runner 2049, j’ai cassé momentanément ma promesse de ne plus écrire un article de presse : Blade Runner fait trop partie de mon parcours d’humain pour me dérober. Et puis, je n’avais pas le choix : c’était là aussi une grande marque de confiance de la part de Cedric... « Lâche-toi ».Il faut dire que j’ai eu la chance de pouvoir visionner ce film en 1982, et de le redécouvrir en 1992, dans la version « foudroyée » que Ridley Scott avait voulu créer à son origine... c’est à dire, sans cette voix-off grotesque, et avec cette fin suspendue sur le noir d’une porte qui se referme.
Blade Runner 2049, donc.
Nous sommes allés le voir le mercredi soir de sa sortie, et il faut l’avouer : je n’ai pas grand chose à ajouter aux très nombreuses critiques qui ont encensé le film, et parfois qui ont un peu terni la possibilité que ce film soit un chef d’œuvre. A vrai dire, et au regard de la quantité d’articles que vous pourrez trouver sur ce film, j’ai presque envie de vous demander d’aller courir le voir, et de vous forger vous-même ce que vous en attendez.
Cependant, j’aimerais profiter de ce temps d’écriture pour espérer aller plus profondément dans les failles qui gercent ce que trop de gens prennent pour de la contemplation. Blade Runner 2049 est un film long. Très long ! Mais les 2h45 de ce film ne constituent pas une manière de placer de la contemplation.
Blade Runner prend à rebours un nombre incalculable de codes issus de l’œuvre cinématographique originale de 1992 (je ne parlerai pas de la version de 1982). Denis Villeneuve brode une histoire qui semble aller à l’opposé de ce qui avait été réalisé dans le premier film, et autant le dire tout de suite, les ficelles sont grosses : K, le Blade Runner Interprété par Ryan Gosling est lui-même un réplicant, et il est plus qu’évident que le thème de Pinocchio, exploité dans une multitude d’autres œuvres de science fiction, est resservi sans ménagement au public.
Pourquoi une telle évidence ? C’est tellement énorme que ça frise le grotesque.
Or, il se trouve que jamais Blade Runner 2049 ne sombre dans du grotesque, alors que les risques sont énormes. La plastique inexpressive de Gosling fait le travail : son incapacité à afficher la trace d’un sentiment sur son visage l’installe dans le rôle.
Et puis... Le réplicant passe carrément un test « d’anti Voigt Kampff » pour rassurer sa hiérarchie qu’il n’est pas devenu « trop humain », alors que les réplicants de 9ème génération, qu’on ne peut plus appeler « Nexus » parce que l’entreprise Tyrell n’existe plus, sont tolérés sur Terre pour assurer les basses besognes dont les humains ne veulent se charger. « Retirer » des réplicants de génération inférieure est une basse besogne : quoi de plus normal que d’employer des réplicants pour le faire.
La Blade Runner réplicant vit dans une solitude qu’il essaie de briser avec une intelligence artificielle : apprendre l’amour est sa préoccupation première, cherchant à se créer un avenir artificiel, tout comme les réplicants, et Rick Deckard, tentent de se construire un passé tout aussi artificiel à travers, pour les uns, des photos de leur « vivant », et pour l’autre, des vieilles photos d’anonymes.
Rick Deckard Doute.
K, le personnage interpréter par Ryan Gosling, ne voudrait pas douter.
Je pourrai continuer longtemps sur les codes du film original retournés comme des gants dans cette suite... Mais pour accélérer le sens de cet article, on va tenter d’aller à l’essentiel, tout en se disant que ne pas reprendre la plastique « Film Noir » du premier Blade Runner était une excellente idée : là, on serait vraiment tombé dans le grotesque digne d’un mauvais film de Roger Corman (j’ai la naïveté de croire que je ne viens pas de commettre un pléonasme).
Blade Runner 2049 est un film dans lequel chacun d’entre nous peut trouver une interprétation « à part ». Les symboliques qu’il ouvre sont tellement nombreuses, que l’on peut traiter une quarantaine de thèmes propres à la science fiction en moins d’une heure de film. Denis Villeneuve nous ouvre une multitude de portes qu’il laisse volontairement ouvertes, pour mieux appuyer le portrait en creux du livre original de Philip K. Dick, et potentiellement, celui de l’univers même de cet auteur.
Dans le premier film, Deckard, héritier de Descartes, ne peut pas dire « Je pense donc je suis », alors que cette réplique est dite très clairement par Pris, la compagne réplicante de Roy Batti. Le film se referme plus tard sur les interrogations et les doutes laissés au spectateur : Rick Deckard est-il un réplicant ?
Par le portrait en creux et en contraires que dresse Denis Villeneuve, Blade Runner 2049 va là où « Les Androïdes rêvent-ils de Moutons Electrique » souhaite vraiment aller... Pour rappel, dans l’œuvre originale, si Deckard fait passer le test Voigt Kampff à l’un de ses collègues, il refuse de se le passer à lui-même.
Nous allons, dans l’œuvre de Phillip K. Dick, comme dans le film de Denis Villeneuve, au delà du simple doute, et contrairement à ce que l’on pense, les 2h45 et les longueurs du film ne sont pas là pour instaurer une forme de contemplation. A vrai dire, et contrairement à ce que beaucoup écrivent, nous obtenons très rapidement des réponses aux questions posées par les deux film : parce que le doute n’est pas l’objet.
L’objet, c’est la confusion.
La confusion, ce n’est pas le doute : c’est bien pire.
C’est l’état de doute permanent.
Toute forme de raison y est inapplicable.
Voila, Cedric : je me suis lâché.
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