L'Edito du Dimanche

 

Publié le Dimanche 26 octobre 2025 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

L'homme qui murmurait à l'oreille des sangliers

imageJ’suis pas du genre à me plaindre. A râler, oui, mais à me plaindre, pas vraiment. Seulement j’ai comme l’impression que mon rôle au sein du foyer consiste essentiellement à servir de punching-ball…
J’ai même l’impression que ça s’est amplifié ces derniers temps. J’ai remarqué une certaine escalade dans l’agressivité à mon égard. Et le pire, c’est qu’on ne parle pas d’agressivité pure et dure. Un regard mauvais, une mâchoire qui se crispe et paf, une mornifle dans les gencives. Non, je suis victime d’une agressivité déguisée. Un sourire, un ricanement, des yeux qui pétillent et paf, une mornifle dans les gencives. Le résultat est le même mais la forme est plus douce, plus espiègle… plus sournoise, surtout.

Et tout est prétexte à me frapper. 
Je fais rigoler ma gamine en sortant une vanne ? Paf, je prends un coup. 
Je plaisante et me moque gentiment de ma chère, tendre et aimante épouse parce qu’elle a été maladroite ? Paf, je prends un coup.
Je croise ma gamine dans une pièce de la maison ? Paf, je prends un coup.
Ma chère, tendre et aimante épouse me demande de lui envoyer un coussin parce que j’en ai deux sous la tête durant ma petite sieste dominicale et mon lancer n’est pas assez précis ? Paf, je prends un coup.
Ma gamine vient me voir dans mon bureau alors que je bosse à une tâche importante et je ne lui réponds donc pas assez vite ? Paf, je prends un coup. 
Ma chère, tendre et aimante épouse se retourne dans le lit ? Paf, je prends un coup.

Alors ce n’est jamais méchant ou violent, hein. Juste des petits coups par-ci par-là. Mais bon. Il ne se passe pas une seule journée sans que je prenne un coup.

Hier, c’est même monté d’un cran. J’ai eu droit un coup de pied dans les bijoux de famille de la part de ma chère, tendre et aimante épouse. Alors elle se défend en m’expliquant que c’est involontaire. Qu’elle changeait de position dans le canapé. Mais moi je les ai sentis remonter jusque dans ma gorge, hein. Alors involontaire ou pas, le résultat est identique : depuis hier, j’ai mal aux couilles.

En fait, je pense qu’elles sont jalouses parce que je suis quelqu’un d’exceptionnel. 

imageSi, si. Je vous assure. Même que récemment, on m’a appelé « L’homme qui murmurait à l’oreille des sangliers ». Il est vrai que ces derniers temps, j’ai tendance à faire pas mal de rencontres avec des cochonnailles sauvages. Il faut dire que, d’une part, j’habite en banlieue parisienne éloignée, proche campagne, et d’autre part, j’ai l’impression que les sangliers pullulent cette année. Je n’en ai jamais vu autant. 
Le week-end dernier, alors que je revenais à une heure pas si tardive, après avoir déposé ma gamine à une soirée, j’ai failli en heurter un troupeau. Ces saloperies de porcs sauvages sournois traversaient la route juste au sortir d’un rond-point, sur une route où l’on peut se lâcher un peu niveau vitesse. Alerte et ayant de bons réflexes, j’ai pilé juste à temps. Et là, ce ne sont pas moins d’une trentaine de bêtes qui se suivaient à la queue-leu-leu, sous le regard sauvage et farouche d’un gros mâle. Je sais que normalement, on appelle ça une « compagnie de sangliers », mais quand il y en a autant, j’appelle ça un troupeau, moi. En tout cas, je ne suis pas passé loin de me retrouver avec deux ou trois individus sur le capot. Niveau pâté, ça aurait été intéressant. Niveau carrosserie, un peu moins. 

Enfin, vendredi, c’était soirée sushi. Et pour aller en chercher, je traverse un long bois, sombre, à la circulation très modérée. Et tout en ligne droite. Là aussi, donc, on peut patater un peu niveau vitesse. Mais toujours dans le respect des limitations, bien entendu. J’avais pris deux auto-stoppeuses, d’ailleurs. Une mère et sa fille. Nuit noire. Route glissante après une petite averse. Et là, alors que j’étais à 80 Km/h, un gros mâle décide de me couper la route. Mes deux passagères ont hurlé. J’ai pilé une nouvelle fois et, toujours grâce à une conduite souple et maîtrisée mais aussi des réflexes aiguisés (et de bons freins), j’ai évité la collision. Je me suis arrêté à 30 cm, à peine, de la bête. Un peu conne, la bête, d’ailleurs, puisque voyant mes phares, elle s’est figée. Elle a dû voir défiler toute sa vie face à ma voiture qui arrivait pleine bourre. Ses années de marcassin, ses meilleurs plats de glands, sa rencontre avec Mme sanglier sur Adopteunporc… 

En tout cas, dans un grognement, elle a collé un coup de tête, léger heureusement, dans mon pare-chocs. Un peu comme pour me dire « ok, tu ne m’as pas renversé, mais tu m’as fait peur, sale con ». Et puis la bête a contourné la voiture pour venir près de ma portière et là aussi, a collé un coup de tête dedans. Alors une fois, je veux bien, mais là, j’ai trouvé que c’était abusé. J’étais à deux doigts de sortir pour lui en coller une et je me suis rappelé que, d’une part, c’était un sanglier et d’autre part, je n’avais pas d’arme sur moi, pas même une petite cuillère. Je me suis donc contenté d’ouvrir ma fenêtre et de lui gueuler dessus. Un « NON MAIS HO, C’EST PAS BIENTÔT FINI ? TU VEUX QUE JE TE COLLE UN COUP DE BOULE MOI AUSSI ? » sous le regard ébahi de mes passagères. Et le sanglier, apeuré, a détalé aussitôt. Sous le regard encore plus ébahi de mes passagères. 

imageEt c’est là que la mère m’a lancé « En fait, vous êtes l’homme qui murmure à l’oreille des sangliers ». Même si c’était plutôt « L’homme qui leur gueule dessus ». Mais c’est bon, je prends quand même. 

Pour détendre l’atmosphère, parce que mes passagères ont eu une sacrée peur (et moi aussi un peu, j’avoue), j’ai lancé une petite vanne « Bah, c’est qu’un cochon. Faut pas en avoir peur. Comme je dis souvent à mes filles pour les rassurer, le plus dangereux dans la forêt, c’est leur papa ». 



Ça n’a pas eu l’effet escompté. Je vous rappelle qu’on était dans les bois. Sans lumière. Et très peu de circulation… Je les ai senti se crisper d’un seul coup et quand je les ai déposées un peu plus loin, j’ai eu l’impression qu’elles poussaient un « ouf » de soulagement. 

En tout cas, ça m’a mis en confiance, cette histoire. Je suis l’homme qui murmure à l’oreille des sangliers. Ce soir, je retourne dans la forêt pour voir si je peux communiquer avec eux. On est peut-être au début d’une chouette histoire d’amitié.

Smiley bisou. Cœur. Cœur. Aubergine.

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