Publié le Dimanche 26 janvier 2025 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Des fois t'as pas envie d'être drôle

J’ai toujours eu un petit coup de mou en hiver. Un coup de moins bien. Un coup de fatigue. Gamin, mes résultats scolaires marquaient le pas, à cette période de l’année. Adulte, j’oscille entre une envie de retourner au pieu à peine le petit dej avalé et celui de… euh… aller au pieu à 16h de l’après-midi pour commencer ma nuit.

J’suis pas un gars d’hiver. Je dis pas que je ne pourrais pas survivre dans les longues étendues enneigées où l’on ne croise que des loups, des orignaux et des loutres, surtout que j’ai tout regardé les épisodes de « Seul face à l’Alaska » et que je sais désormais dépecer un cerf, un lapin, un renard et un homme, mais simplement à choisir, je préfère lancer une nouvelle série qui s’intitulerait « Seul face à la plage de Saint-Barth » et dans laquelle ma seule préoccupation serait de trouver de la crème solaire indice 50 ou de buter des tortues pour m’en faire des vide-poches. Je pourrais même faire un tuto Insta pour vous apprendre à fabriquer un étui à coutelas à partir de la queue d’un iguane. Parce que j’ai tout lu Rahan.

J’ai toujours eu un petit coup de mou en hiver. Là, j’avoue, je n’ai qu’une envie, c’est d’être déjà ce soir, de me coller dans mon fauteuil en cuir, face à une bonne flambée dans la cheminée, un verre de whisky dans une main et un bon bouquin dans l’autre. Et c’est tout. Tranquille. Posé. Avec éventuellement la B.O. d’un bon film qui passe en fond sonore. Blade Runner. Le Dernier des Mohicans. La Dernière Tentation du Christ. Kingdom of Heaven ou encore La Chute du Faucon Noir. Petite musique d’ambiance, tranquille. Chill, comme on dit.

Alors je vous entends déjà vous gausser et me cataloguer dans la catégorie des « petits vieux », en me proposant même une petite couverture et des charentaises pour mes pieds refroidis par l’âge.

Je vous emmerde. Vous êtes simplement des jaloux parce que vous n’avez pas de fauteuil en cuir. Ou de cheminée. Ou de whisky. Ou, si vous avez moins de 25 ans, vous êtes jaloux parce que vous ne savez pas suffisamment bien lire pour vous plonger dans un bouquin.

Certes. Je pourrais faire fi des températures polaires et aller, comme à mon habitude, gambader dans les bois à poil pour faire ami-ami avec les castors. Je pourrais parcourir le monde afin de poursuivre l’apprentissage des bonnes manières aux plus cons. Je pourrais écumer les bars, déglinguer des culs, enfin apprendre le skateboard ou le breakdance comme j’ai toujours voulu le faire, ou encore braquer une boulangerie pour piquer des bonbecs. Mais là, je n’ai pas envie.

Vous auriez envie de sortir dehors, vous, alors qu’à l’ouest, le pays le plus puissant du monde, soi-disant garant des libertés ne cesse de les restreindre et les bafouer, sous la coupe d’extrémistes qui ne cachent même plus leurs sympathies pour les idéologies fascistes et suprémacistes ? Vous auriez envie de sortir dehors, vous, alors qu’à l’est, le plus grand pays du monde est prêt à toutes les alliances, même les plus ignobles, pour retrouver sa grandeur d’antan et mettre sous son joug des populations entières, quitte à les massacrer ? Vous auriez envie de sortir dehors, vous, quand le monde vend sa morale pour quelques pétrodollars à des pays qui violent à chaque instant les libertés des êtres en raison de leur sexe, leur religion ou leur orientation sexuelle ? Vous auriez envie de sortir dehors quand votre propre pays tombe peu à peu sous le joug du fascisme, de l’intolérance, de l’égoïsme crasse et répugnant ? Vous auriez envie de sortir dehors, vous, quand votre propre gamine verse une larme face à l’urgence écologique mais vous pique une crise parce que vous lui refusez un pot de Nutella bourré d’huile de palme, une commande sur Shein ou l’achat du nouvel iPhone alors que, bordel, elle a déjà eu un nouveau smartphone il y a à peine plus d’un an ?

Moi pas.

Moi j’ai juste envie de me coller dans mon fauteuil en cuir, face à une bonne flambée dans la cheminée, un verre de whisky dans une main et un bon bouquin dans l’autre. Et c’est tout. Tranquille. Posé. Avec éventuellement la B.O. d’un bon film qui passe en fond sonore. Mad Max, par exemple. Parce que la fin du monde est proche et que, à bien y réfléchir, c’est bien fait pour votre sale gueule.

Mon Smiley bisou. Mon Smiley Cœur. Mon Smiley Cœur. Et surtout mon Smiley Aubergine, cette semaine, je les garde pour moi.