Publié le Dimanche 7 avril 2024 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Camélia et moi

En vadrouille dans le Nord de la France, j’ai décidé de faire une halte dans une pépinière et d’acheter un Camélia. Ne me demandez pas pourquoi. Quand ma chère, douce et aimante épouse me regarde fixement avec cet air-là et lance « tiens, ça ferait bien un Camélia dans le jardin, à cet emplacement », et bien je n’ai pas intérêt à revenir avec un Céanothe Blue Mound ou une Viorne Boule de neige.

J’ai donc profité de passer devant un pépiniériste pour acheter… un Camélia. Un Camélia qui mesure 1m50 de haut. A ramener en voiture. Rien de terrible non plus. Je l’ai collé côté passager, tourné pour que ses branches ne dérangent pas la conduite ni ne bloquent la vue du rétroviseur, après qu’il me soit tombé deux fois sur la tronche dans des ronds-points, j’ai calé le pot avec des sac en plastique vide et mon sac à dos, et roule ma poule. Je lui ai même vidé la fin de ma bouteille d’eau pour qu’il supporte mieux le voyage. Je ne sais pas si ça a un quelconque intérêt – autre que ruiner la moquette – mais moi, la clim, ça me donne soif, alors je me suis dit que lui aussi.

Ça a fait surtout bizarre aux deux condés qui m’ont interpelé pour un contrôle d’alcoolémie.

Je tiens à préciser que même si nous étions dans le Nord, je n’avais rien bu. Et, c’est important de le souligner, je ne prends jamais le volant quand j’ai bu. Bon, sauf cas exceptionnel, du genre j’ai picolé et je dois rentrer chez moi en voiture, comme dirait mon ami Guillermo.

« - Bonjour monsieur, police nationale, nous allons procéder à un contrôle d’alcoolémie, veuillez couper le moteur et présenter votre permis de conduire et les papiers du véhicule »
« - Voilà voilà. »
«  - Qu’est-ce que vous faites avec une plante sur le siège passager ? »
«  - Du covoiturage. »
« - …
Elle est bien attachée au moins ? »
« - Si c’est votre question, elle n’est pas attachée avec la ceinture. Mais je crois que ce n’est pas obligatoire quand on est enceinte et regardez, elle attend plein de petits bébés, elle a plein de petits bourgeons, je n’ai pas voulu l’abîmer. Mais j’ai bien calé le pot. Elle n’ira nulle part, même si elle veut s’enfuir. De toute façon, c’est comme avec les enfants, je la ramène chez moi et direct je la mets en terre. ».
« - Euh… vous êtes certain de n’avoir rien bu ? »
« - Moi non, mais Camélia, elle s’est fait un petit shot avant de partir ».
« - Camélia ? »

Notez que dès le début, je me suis rendu compte que j’étais tombé sur un contrôle à la cool. Le coup du « covoiturage » ayant arraché quelques sourires, je me suis dit que j’allais continuer sur mes conneries. Et ils m’ont bien rendu le change quand ils m’ont expliqué après avoir soufflé que mon test était positif… j’ai buggé un instant, avant de comprendre qu’eux aussi avaient décidé de se foutre de moi…

En tout cas, je suis reparti avec Camélia, j’ai avalé mes 300 bornes et je suis arrivé avec les yeux gonflés et bouffis, qui pleuraient et qui me démangeaient.
Ce n’est pas la faute de Camélia. Elle n’y est pour rien. C’est la faute du… printemps. C’est parti pour un tour d’allergies à m’arracher les globes oculaires si j’oublie de prendre mon antihistaminique, à tousser comme un tuberculeux toute la journée, à chialer des trucs pâteux qui me collent les yeux chaque matin, bref, à attendre l’été avec une impatience non feinte.

Parce que dehors, le monde se déchire, les gens sont de plus en plus cons, le sens commun est mort et moi, je crève d’envie de bétonner toutes ces saloperies d’arbres et de plantes à la con, comme chaque printemps.

Et pourtant, dès l’été, je serai le premier à me réjouir de gambader nu dans les champs, les glaouis caressés par les herbes hautes. Je vous laisse avec cette image.