Publié le Dimanche 19 mars 2023 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

49-3

Et la France s’embrase, plongeant les rues dans un chaos de fureur et de sang, de cris et de violence. 3 petits nombres et puis s’enflamme : 64, 49, 3. Que l’on peut aussi présenter sous cette forme : 64 ans, article 49, alinéa 3.

« Et toi ? » me demandait-on encore hier, comme si ma nette propension à une violence quotidienne me destinait à ériger quelques barricades dans lesquelles j’empilerais pêle-mêle des barrières, des pavés, des débris divers et les corps de mes ennemis ?

C’est bien mal me connaître de croire que je pourrais me mêler à une foule aboyante, à une meute vociférante, pour l’unique plaisir de laisser libre court à mes pulsions destructrices. D’une part, je déteste la foule. L’abrutissement systématique de l’humain (dont la conscience et la capacité de réflexion ne vole déjà pas très haut individuellement) lorsqu’il se réunit en groupe, m’a toujours sidéré, m’a toujours consterné, m’a toujours terrifié. J’ai donc tout au long de ma vie fait en sorte de ne jamais me retrouver au milieu d’un trop grand nombre de personnes de crainte d’être à mon tour noyé par un tsunami d’imbéciles.

D’autre part, ma violence est onanique. Quand la politique du bout de la gauche ou du fin fond de la droite se réfère volontiers, dans ses velléités guerrières, aux exactions djougachviliennes ou adolphusiennes, je préfère m’adonner aux joies des violences solitaires d’un Jack l’éventreur ou d’un Peter Stumbb.

Les quelques morceaux choisis des manifestants interviewés sur les ondes, entendus alors que je vaquais à des occupations automobiles, m’ont plongé dans une telle consternation que j’abjecte chaque jour un plus les masses bêlantes et abruties.

Alors attention. Qu’on ne me prête pas un semblant de soutien gouvernemental ou une quelconque volonté réformiste. J’avoue sans honte, dans un grand moment d’inconscience politique, me battre sérieusement les couilles de cette histoire d’âge de la retraite. Que ce soit ou non la meilleure solution pour assurer les revenus futurs de petits vieux que je serai un jour m’indiffère. Ma haine des manifestants est ailleurs. Le fond m’importe peu. C’est l’imbécilité de la forme qui m’afflige. Entendre des énergumènes expliquer qu’ils n’auront d’autre choix que de bloquer les épreuves du baccalauréat qui débute ce lundi me rend si dubitatif qu’une petite main dans la gueule serait peut-être nécessaire pour leur faire comprendre la stupidité de leurs propos. Menacer de spolier des élèves déjà sous pression d’un examen fatidique pour leurs études serait donc la solution pour faire plier des élus sourds aux revendications ? Et quand je les entends, qui plus est, se justifier en expliquant que c’est le gouvernement qui les oblige à de tels actes, j’en crache mon dentier. Ou plutôt, mon futur dentier que je ne manquerai pas d’avoir au crépuscule de mon existence. La prochaine fois que je me fais emmerder par un petit vieux au supermarché, je lui saute sur la tête à pieds joints avec mes Docs coquées et j’expliquerai au juge que c’est le comportement des routiers sur l’autoroute qui m’a poussé à de telles exactions. Enculés de routiers, va. Enculés de petits vieux aussi, tiens. Enculés de tout le monde, en fait.

Autre aberration, les menaces et les blocages contre ceux qui continuent de travailler. Quand j’entends qu’une entreprise privée de ramassage d’ordures mandatée pour s’occuper uniquement des ordures sensibles (risque sanitaire) liées, notamment, aux hôpitaux, a dû cesser sa collecte suite à des menaces…

A la prochaine hausse du prix du whisky, je vous jure, je bloque des écoles, je m’allonge sur l’autoroute pour protester et j’empêche la circulation des trains en faisant le pilier en plein milieu des voies. Et le seul 49-3 auquel je ferai référence sera celui du degré d’alcool d’un millésime.

De toute manière, soyons clair. A tout 49-3, j’ai toujours préféré le 69 à 2.