Publié le Dimanche 22 janvier 2023 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Tendre et délicat

Vous ne vous rendez pas compte à quel point écrire un édito est une opération complexe et parfois extrêmement difficile. La répétition, tout d’abord. Depuis plus d’une décennie, désormais, c’est un rendez-vous hebdomadaire qu’il me faut respecter, sous peine de décevoir de plus en plus de lecteurs. Car n’en déplaise à mes détracteurs, vous êtes de plus en plus nombreux à les lire chaque semaine.

Depuis le lancement du site, ce sont près de 750 éditos qui ont été publiés. Moins d’une dizaine n’ont pas été écrits par moi. Parlons de 740 éditos pour faire un compte rond, et vous comprendrez qu’il y a de quoi avoir, parfois, des pannes d’inspiration. Je pourrais en faire plus souvent une rubrique des chiens écrasés, pour en faire un mélange d’impressions, de réflexions et d’anecdotes. Mais au bout d’un moment, ça va finir par se voir que je les vise avec ma voiture. Les chats, éventuellement, il y en a plus dans le quartier, mais rubrique des chats écrasés, ça ne veut rien dire.

Ce n’est pas tout : vous êtes de France, majoritairement, d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, du Québec, de Russie (?), de Pologne, d’Espagne, d’Italie, du Royaume-Uni, de Thaïlande, d’Australie, et d’autres pays encore. Je ne vais pas faire la liste complète des différentes régions où habitent nos lecteurs. Mais surtout, de nombreux proches, qu’il s’agisse de la famille, amis ou de simples connaissances, lisent cet édito.

Et forcément, cela impacte le choix des thèmes. Je ne peux pas tout dire. Tout raconter. Il me faut ménager les susceptibilités.

Un exemple ? La récente passion pour le karaoké de ma fille cadette. Ce qui ne serait pas vraiment un problème, ni un sujet honteux, si elle n’avait, malheureusement, une voix située entre la scie égoïne et la régurgitation d’un lamentin bourré. Inutile de vous dire que si ça venait à se savoir, si j’osais l’évoquer dans un édito, elle me ferait une scène en m’accusant de répandre sa vie privée sur Internet sans aucune considération pour son amour-propre, tel un mauvais père.

Un autre exemple, plus frappant celui-ci ? De nombreux amis que nous avons, ma femme et moi, en commun, lisent l’édito. Comment pourrais-je, alors, sans la gêner, évoquer sa nudité ? Comment parler de ses seins qui, malgré le passage des années, restent d’une beauté éblouissante ? Parler de leur fermeté. Du plaisir de les tenir à pleines mains pendant que je l’embrasse fougueusement quand nous faisons l’amour ? De ses tétons que j’aime sentir durcir sous mes caresses ? Comment pourrais-je évoquer ses courbes qu’elle trouve trop généreuses mais que je me plais à contempler, à parcourir de mes doigts, à prendre à pleine bouche quand la passion m’emporte ? Comment pourrais-je parler de ses fesses que mes mains aiment tant saisir lorsque je viens m’abandonner en elle, durant nos corps à corps passionnés ? Du plaisir de ma langue qui vient caresser son sexe ? De ses gémissements d’abandon ?

Franchement, si je venais à juste évoquer une seule de ces choses dans un édito, même sans rentrer dans plus de détails, elle serait morte de honte. Et nos connaissances sans doute mortes de gêne. Une gêne amusée, mais une gêne certaine. Elle m’a d’ailleurs formellement interdit ces sujets-là.

Non, croyez-moi, écrire un édito est une chose vraiment compliquée, qui requiert réflexion, habileté et suffisamment de recul pour savoir quand évoquer une chose et quand en taire une autre.

Heureusement, j’ai cette sensibilité et cette intelligence de taire ce qui doit être tait et de parler ce dont il faut parler. Je sais éviter les sujets polémiques ou les thèmes qui pourraient mettre mal à l’aise certaines personnes. J’ai cette délicatesse. Cette tendre attention.

Parfaitement. Tendre et délicat. C’est tout moi, ça.

Allez, pour pallier cette frustration quant à ma liberté de thème, je vais aller frapper un enfant.