L'Edito du Dimanche

 

Publié le Dimanche 9 octobre 2022 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Et pour quelques gouttes de plus

imageVous ne l’avez sans doute pas remarqué parce que votre sens de l’observation est proche de celui d’une taupe sourde atteinte d’Alzheimer, mais je n’ai pas été beaucoup présent sur le site cette semaine. Et pour cause ! Je dispensais mon incommensurable savoir à quelques brebis égarées que l’on nomme étudiants, mais que personnellement, je nommerais affectueusement « génération de crétins ignares au QI de moule laissée trop longtemps au soleil » (ne me jugez pas, c’est affectueux, je vous le rappelle), dans cette belle ville nordique que l’on appelle Valenciennes.

Comme j’y suis resté toute la semaine, pour plus de praticité, de mobilité et, surtout, pour rentrer plus vite vendredi soir sans subir les aléas de la SNCF et les interminables attentes entre deux trains, je m’y suis, cette fois, rendu en voiture.

imageGrossière erreur. Ça m’apprendra à ne pas assez regarder/lire les infos sous prétexte que le monde est tellement con, que j’ai envie de partir d’ici, m’en aller sans raison, ne plus donner signe de vie, respirer d’autres bars, essayer d’autres lits, me perdre par hasard, oublier qui je suis. Comme dirait mon ami Marc. Et là-dedans, je suis surtout d’accord avec le fait de respirer d’autres bars. Mais c’est une autre histoire.

Bref. J’ai pris la route, tranquilou bilou, avec un demi-plein d’essence, en me disant qu’elle serait moins chère là-bas, que je ferais le plein à destination, que ce serait mieux, que la vie serait plus belle, youkaïdi youkaïda. Ah ben oui, des fois, il m’en faut peu pour être heureux et je lance des youkaïdi youkaïda rien qu’à l’idée d’aller à la pompe. J’aime bien ça, moi, la pompe. Ça me met en joie. Comme dirait mon amie Clara.

C’était sans compter que, des fois, la pompe est à sec. Et ça, c’est pas youkaïdi youkaïda du tout.
C’est au hasard d’une rencontre sur le parking d’un supermarché que j’ai été mis au courant de la situation critique de l’approvisionnement en essence. Un type, la trentaine, l’œil aussi vif que celui d’un gnou trisomique, se vantait auprès de sa moitié d’avoir fait le plein ce week-end même et d’avoir rempli « au moins dix jerricans » en prévision pour ne pas, je cite, « se retrouver comme tous ces cons qui cherchent de l’essence ». Comme ma voiture, moi, m’avait déjà crié à grands renforts de bips que la jauge avait atteint un niveau critique, du genre « si tu me remplis pas le fion avant 30 kilomètres, je toussote et je m’arrête », les propos du gars m’ont alerté. Avec gentillesse et courtoisie, je me suis enquis auprès de lui des raisons de cette soudaine pénurie.

imageAlors oui, vous allez me rétorquer que « avec gentillesse et courtoisie », ça ne colle pas forcément à mon image. Mais je vous assure que, quand le moment le demande, je sais être très courtois, bien éduqué et d’une affabilité extraordinaire.
Bon. J’ai tout de même tendance à perdre subitement cette amabilité, quand on me répond « ben tu sors d’où, toi, la pénurie, c’est la faute à la Guerre en Ukraine, faut sortir de ta grotte ! ».
J’avoue, j’ai été surpris par cette agressivité. Je devrais pourtant m’y attendre, puisque l’époque semble se nourrir de ces comportements détestables, aujourd’hui trop souvent communs. J’ai vécu cette réponse comme un coup de poing. Voire un attentat. Parfaitement. Les mots peuvent paraître exagérés mais, dans mon ressenti du moment, ils ne le sont pas. Parce que, honnêtement, je pourrais passer outre la familiarité du ton. Le côté moqueur, voire même le petit comportement supérieur me renvoyant au paléolithique. Mais pardonner « c’est la faute à » au lieu de « c’est la faute de », ça, jamais. JAMAIS !

George Bernard Shaw écrivait que « le silence est l’expression la plus parfaite du mépris ». Je n’ai donc rien répondu. Je lui ai roulé et sauté dessus à pieds joints avec mon caddie sans dire un mot. Et si vous trouvez ma réaction un brin disproportionnée, je citerai également Jean-Paul Sartre : « Je reconnais que la violence sous quelque forme qu'elle se manifeste, est un échec. Mais c'est un échec inévitable parce que nous sommes dans un univers de violence. » Ou encore citer Montesquieu : « Le souper tue la moitié de Paris ; le dîner l'autre. » Ce qui n’a, je vous l’avoue, strictement rien à voir avec les faits. Mais j’avais envie de mettre une troisième citation.

Bref, je suis reparti avec mon caddie dont la roue désormais couinait. Cela dit, après avoir appris qu’en fait, la pénurie d’essence, c’est pas la faute à l’Ukraine, j’ai regretté de ne pas avoir frappé plus fort.

imageMais il a bien fallu, à un moment, que je sustente l’appétit gargantuesque de mon automobile. Et  comme beaucoup de monde, je me suis retrouvé devant des stations-services fermées, des gens errant dans les rues, la mine défaite, cherchant à s’offrir un bidon ou deux auprès d’un quelconque dealer de brut.

J’arrêterais là mon édito. J’aurais pu vous décrire une longue quête, de station en station, à la recherche du précieeeeeeeux. J’aurais pu partir dans une saga longue de plusieurs tomes que j’aurais intitulé « Et pour quelques gouttes de plus » en hommage à Sergio Leone. Mais finalement, tout s’est résolu en un tournemain. Pour le prix, très raisonnable, d’un tournevis et d’un mètre de tuyau.

 

 
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