Publié le Dimanche 22 mai 2022 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Les yeux de l’esprit ne commencent à être perçants que quand ceux du corps commencent à baisser.

On voit souvent passer, dans la rue, sur la route, de grosses cylindrées, de belles et imposantes voitures, rugissantes et rutilantes, fonçant vers l’inconnu… ou du moins vers ce qui nous semble l’inconnu, à des vitesses folles… et conduites, il faut bien l’avouer, par des gros cons.

Si, si. Je vous assure. J’ai eu l’occasion, dernièrement, de sillonner les routes d’une bonne partie du pays et le constat est partout le même : plein de grosses voitures avec plein de gros cons au volant. Ou de grosses connes, hein, je ne suis pas sectaire. Avec même une prédilection pour la marque BMW. Mais les Porsche Cayenne, Volkswagen ou autres Mercedes font partie du même lot, pour ne citer que ces marques-là.

Alors que ce soit bien clair. Vous pouvez ravaler les « t’es jaloux » ou « si t’avais de la thune, tu en achèterais aussi ». Déjà parce que je pourrais m’en acheter une si j’en avais vraiment envie. Mais surtout parce que personnellement, les bagnoles, je n’en ai strictement, mais alors strictement rien à foutre. Mais à un point… vous n’imaginez même pas. Je m’en fouette les couilles sur un mur en crépi d’une force, mais d’une force… incommensurable. Moi, une caisse, il faut :
Premièrement : qu’elle fonctionne
Deuxièmement : qu’elle fonctionne
Troisièmement : (facultatif) qu’elle soit confortable si j’ai beaucoup de trajet à faire
Et c’est tout.  

Les feux de route laser adaptatifs, la commande gestuelle, le full LED, le Live Cockpit navigation hotspot Wifi triple cuir de lama, je m’en bats les couilles. Sur le même mur en crépi. C’est dire si d’une part, j’ai la peau des noix qui commence à être aussi résistante que du Kevlar et, d’autre part, le crépi qui se barre de mon mur.

Mais bref. Force est de constater que ce genre de véhicules est donc (très) majoritairement piloté par des gros cons. Aucun respect du code de la route, aucun respect des distances de sécurité, aucun respect des autres, aucun respect de la sécurité des autres, aucun respect tout court, en fait. Pour rien, sauf pour leur gueule. Le genre de gros con qui vous enverrait sur le capot si vous osez traverser sur les passages piétons devant eux parce que bon, ils ne vont pas non plus s’arrêter pour une chose aussi insignifiante que vous, mais à en plus vous engueuler parce que vous avez rayé la peinture avec les os de votre mâchoire et sali leurs jantes avec votre sang. Des gros cons, je vous dis.

Ce qui m’a valu une réflexion philosophique profonde, ces derniers jours, à mi-chemin entre le sujet du BAC et la brève de comptoir du type torché à 9h du mat au PMU du coin :
« Est-ce parce qu’ils ont une grosse voiture qu’ils deviennent des gros cons ou est-ce parce qu’ils sont des gros cons qu’ils ont une grosse voiture ? »
Voilà, vous avez 4 heures.

Avouez que ça envoie du pâté, ce genre de questionnement métaphysique. Qu’il y aurait de quoi révolutionner, en toute modestie, la philosophie moderne, le marché automobile et les principes mêmes de l’alcoolisme.

Dans les temps anciens, sûr que j’aurais été philosophe, tiens. Parfaitement. C’est tout moi, ça. Exit les Platon, les Socrate, Aristote, Antisthène, Diogène, Cratès, Zénon, Cléante, Panétios, Ribery, Sénèque ou encore Epictète. Il n’y aurait plus eu que le formidable, le magnifique Cedricos. Parce que oui, il aurait bien fallu que je grequinise mon nom. Et je grequinise ce que je veux, en inventant les mots que je veux, c’est comme ça que se reconnaissent aussi les grands philosophes. J’aurais été un putain de grand philosophe de la mort qui tue, je vous dis.

Euh… enfin, pas tout à fait, à bien y réfléchir.

Disons que le côté toge, avec le vent qui passe dessous pour vous chatouiller les noix, debout en haut de ma montagne à mâcher des cailloux pour avoir une voix qui porte, une articulation impeccable et des molaires en moins, à lancer des débats endiablés sur le sens de la vie, les femmes, l’alcool, ça m’aurait bien botté.
Par contre, le coup de devoir sodomiser mes disciples, pour soi-disant parfaire leur éducation, j’aurais sans doute moins accroché. C’est franchement moins mon truc, dans la branche philo.
Je suis indiscutablement, indubitablement, incontestablement, voire, je dirais même, irrécupérablement hétérosexuel. Et ce, malgré les t-shirts roses que je porte, mes fringues à l’effigie de licornes, la musique dance ou disco qui tourne en boucle dans mes écouteurs ou même ma façon de danser que ma chère, tendre et aimante épouse a toujours qualifié de « très gay ».

Bref, les débats, oui, les enculades, non.

Finalement, je n’aurais peut-être pas été un bon philosophe. Ou alors un philosophe exclusivement pour des disciples féminins. Majeurs, les disciples, hein. C’est aussi à souligner.

Moi je fis, y’a matière à réécrire l’Histoire, là.