Publié le Dimanche 27 mars 2022 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Épuisé

Je suis épuisé. J’ai atteint un niveau de fatigue physique qui n’a d’égale déchéance que ma fatigue morale. Un énorme coup de mou cette semaine, aux raisons multiples, pas forcément graves ou accablantes, d’ailleurs. Mais des raisons qui se sont rajoutées à celles des jours précédents. Voire des semaines précédentes. Voire des mois précédents. Voire des années précédentes.

Epuisé, vous dis-je.

Si je n’avais pas cent mille choses à faire, je me poserais bien les fesses dans l’herbe de mon jardin, m’étalant parmi les primevères, les narcisses et les jonquilles, à l’ombre de mon cerisier en fleurs, pour piquer un roupillon. Bon. Comme je me fais vieux et que mon côté rebelle et proche de la Nature a depuis longtemps marqué le pas face à la pénibilité des tâches ménagères, je mettrais quand même une petite couverture avant de m’allonger sur le sol, parce que les taches d’herbe, ça part mal sur les vêtements.

Non mais sérieux, vous m’avez entendu, là ? (c’est une image, vous ne pouvez pas m’entendre, sauf si je suis vraiment en train de vous lire mon édito et dans ces cas-là, vous êtes ma femme ou mes filles, et encore, la plupart du temps elles s’en battent comme de l’an 40). Je vous parle de taches d’herbe sur les vêtements qui ne partent pas au lavage en machine à 30°C même si je mets du détachant, alors qu’il y a peu encore, mon souci principal était de ne pas me choper des tiques sur les couilles lorsque je courais à poil dans les champs. Ceux situés juste à côté de la cour de récré de l’école maternelle, et du couvent de bonnes sœurs. Comme ça y’a du choix dans la perversité.

Je suis épuisé, je vous dis.

Même hier, la vieille pute de 80 balais au moins qui m’a piqué la place de parking alors que j’avais pourtant foutu mon clignotant en attendant sagement que la place se libère, je n’ai pas eu la force de l’invectiver. Rien. Pas un mot. Pas une réflexion. Pas eu le courage ni la force.
Bon, faut pas croire, je lui ai quand même crevé les 4 pneus à l’Opinel. En espérant qu’elle aura acheté des congelés. Mais si le procédé a une certaine dose d’humour, avouez qu’il manque quand même d’élégance et cède un peu à la facilité.

Epuisé, vous dis-je.

Même ma chère, tendre et aimante épouse, qui pourtant multiplie les petites attentions pour me redonner la pêche, reste impuissante face à mon niveau de détresse physique et morale. Hier soir, elle avait pourtant invité une copine qui, ayant un peu trop bu, aurait pu dormir à la maison et oups, elle avait oublié son pyjama, mais c’est pas grave, d’habitude de toute manière elle dort toute nue.
Et bien je lui ai sorti un oreiller et une couverture (j’ai bien vérifié qu’il n’y ait pas de taches d’herbe dessus avant), je les ai lancés sur le canapé et je suis allé me pieuter en lui souhaitant bonne nuit, sous le regard totalement incrédule, limite désespéré, de ma chère, tendre et aimante épouse qui finalement l’a reconduite chez elle. Ça m’a chagriné, qu’elle réagisse comme ça. J’avais quand même fait l’effort de sortir un oreiller et une couverture, quoi.

Je suis épuisé, je vous dis.

Et ce matin, j’avais un rendez-vous à 9h. Autant vous dire que le changement d’heure est mal passé. D’autant plus que 5 minutes avant de partir de chez moi, le rendez-vous a été annulé. Alors  je vais me traîner toute la journée comme une loque. A râler. Parce que j’ai beau être épuisé, il n’y a pas de raison que je sois moins désagréable. Au contraire, même. Et comme j’ai déjà de base un niveau de désagréabilité assez élevé, autant vous dire qu’on va atteindre des sommets. Tiens, par exemple, le premier qui me rétorque que le mot désagréabilité n’existe pas, je lui crève les 4 pneus à l’Opinel. Même s’il n’a pas de voiture. Et tant pis si ça manque d’élégance et que ça cède un peu à la facilité.