Publié le Dimanche 6 mars 2022 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Une saison en enfer

Au milieu de ce chaos ambiant, alors que le monde se délite et que la civilisation semble sombrer vers ses derniers instants, je me suis payé en toute insouciance quelques jours de repos. Enfin, quand je dis « de repos », je veux parler de « vacances ». Ce qui, soit dit en passant, n’a pas été de tout repos, justement. Loin de là.

J’ai en effet débuté avec la folle idée de faire plaisir à mes gamines et d’arpenter une journée durant les attractions bondées de Disneyland Paris. En fait, on se rend compte rapidement que « La magie Disney », ce n’est pas tant de nous immerger dans des mondes merveilleux que de nous faire oublier, d’une visite à l’autre, à quel point on déteste ce putain de parc de merde et ses files d’attente interminables pour des attractions dont la rapidité frise parfois l’indécence.
Citons Blanche-Neige, Pinocchio ou encore Peter Pan, par exemple. 45 minutes à se peler le cul au milieu de crétins qui braillent et remuent dans tous les sens, pour finalement voir trois marionnettes défiler à grande vitesse, le tout torché en moins de 3 minutes (montre en main), c’est insupportable, voire limite du foutage de gueule. De quoi vous donner envie de foutre le feu à la première marionnette Mickey que vous croisez et de kidnapper Minnie pour la jeter dans une cave où se déroule une tournante pour qu’elle se rende compte à quel point 45 minutes de queue, c’est pénible.

Et je ne parlerai pas des 75 minutes d’attente pour faire un grand huit dans le noir, presqu’une heure pour un simulateur Star Wars risible d’obsolescence, assis sur un siège qui se secoue à suivre une aventure sans queue ni tête… ou même 60 minutes d’attente pour un carrousel à la con à base d’éléphant avec des grandes oreilles.

Ajoutez des gamines qui tour à tour font la gueule ou râlent parce qu’on ne va pas vers l’attraction qu’elles voulaient faire à ce moment-là, parce qu’elles ont froid, parce qu’elles ont faim, parce qu’elles ont soif, parce qu’elles ont mal aux pieds ou, tout simplement, parce qu’on refuse de leur payer une peluche Roi Lion au même prix que l’animal vivant… Disneyland, en fait, c’est l’éloge de la patience. La mise à l’épreuve des nerfs et du self-control.

Perso, je suis resté d’un calme stoïque. A part le gamin qui m’a heurté trois fois dans la queue de l’attraction Star Wars et à qui j’ai mis un gros coup de coude retourné dans sa gueule ; à part la mère de famille qui m’a shooté avec sa poussette sous prétexte qu’elle est prioritaire et que je n’avais qu’à me pousser et que le fait d’être de dos et donc de ne pas la voir n’est pas une excuse, que j’ai finalement encastré dans la statue Buzz Lightyear ; à part l’employé de Disney sur l’attraction Pirates des Caraïbes qui a voulu faire passer la famille de quatre personnes derrière nous en priorité alors que moi aussi, j’étais une famille de quatre, mais bon, il savait nager donc à part une certaine humiliation, il n’a pas trop souffert ; à part la gamine qui m’a poussé en m’expliquant qu’elle était là avant moi dans la queue de Pinocchio et qui, pour toute réponse, a pris mon genou dans les dents ; et un ou deux autres événements mineurs n’ayant pas entraîné d’ITT de plus de huit jour, j’ai trouvé que j’avais été très très calme et très très bien comme il faut.

Après cette journée interminable au royaume de l’enfer des mômes mal élevés – et j’inclus les miens dans le lot – nous avons décidé d’aller visiter Troyes et y magasiner, comme dirait mon cousin canadien, dans les boutiques d’usines. Pour nous rendre compte que Troyes, finalement, c’est un petit Paris.
Non pas concernant la vie de tous les jours. Elle n’est ni foisonnante, ni speedée comme la capitale. Non pas concernant l’architecture. Le centre historique de Troyes est un témoignage splendide des temps médiévaux, où se côtoient des maisons à colombages plus tordues les unes que les autres. Non, si je parle de « Petit Paris », c’est en fonction de l’amabilité des habitants. Alors certes, on n’est pas au niveau de pédanterie et d’inimitié parisiennes. Mais on s’en rapproche tout doucettement. Il y a encore, fort heureusement – et contrairement à Paris – des commerçants joviaux et aimables, voire des passants affables. Mais ça ne concerne pas la majorité des Troyens. Heureusement, pour sauver la ville, y’a des andouillettes. Et elles sont drôlement bonnes.

Finalement, je suis rentré chez moi. Lessivé comme si j’avais passé la nuit avec la Mère Denis (référence spéciale pour les plus de 40 ans).

Et la vie reprend son cours, au milieu de ce chaos ambiant, alors que le monde se délite et que la civilisation semble sombrer vers ses derniers instants.