Publié le Dimanche 7 février 2021 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
L'Edito du Dimanche
Scène d'horreur
J’ai fait un test PCR. Mon premier.Bon. Ce n’est pas si pénible que ça, hein. Sauf que vous vous en doutez, avec moi, les choses ne se passent jamais vraiment comme elles devraient.
Ma fille est hospitalisée demain. Et c’est moi qui ai tiré la courte paille et suis donc obligé de l’accompagner alors que mince, j’aurais pu avoir la maison pour moi tout seul, chanter à poil dans mon salon et faire l’hélicobite par la fenêtre, devant les passants, en chantant « I’m sexy and I know it ».
Sauf que non. J’ai tiré la courte paille. Alors je vais devoir me lever à 6h pour être à la clinique à 7h, et il faudra quand même m’expliquer pourquoi le rendez-vous d’admission est si tôt alors que l’opération n’est pas prévue avant 11h. 4h pour remplir un document… Je veux bien qu’ils soient un peu cons et lents dans les administrations, mais là, 4h pour un document d’une page, ça frise le génie, non ?
Enfin bref. Pour avoir le droit d’accompagner ma gamine, j’ai dû passer un test PCR. Alors j’ai bien essayé de protester en expliquant que je pouvais très bien la déposer et revenir à la maison, mais voilà, à 15 ans, pas foutue d’assumer toute seule une hospitalisation avec anesthésie générale et prendre le bus pour rentrer ensuite. Je vous jure. Les jeunes d’aujourd’hui…
Me voilà donc parti dans un centre de dépistage pour me faire défoncer les narines avec un coton-tige XXL. Un centre monté provisoirement dans d’anciens bureaux. Donc une pièce ouverte où il y a juste un coin caché par un paravent pour que le viol nasal soit un peu plus intime quand même. Mais avec toutes les autres personnes qui attendent, ensemble, à côté.
La précision a son importance, vous allez voir.
Les tests s’enchaînent à une vitesse folle et bientôt, c’est mon tour d’y passer. J’aurais pu m’asseoir tranquillement, donner mon petit papier de rendez-vous, pencher la tête, pif paf et le tour est joué au revoir monsieur les résultats par SMS demain soir.
Mais je n’y peux rien. Quand je pense à une connerie, c’est plus fort que moi, ça a besoin de sortir.
« Bonjour mademoiselle » (elle devait avoir 25 ans à tout casser).
« Bonjour monsieur, asseyez-vous »
« C’est ma première fois, alors soyez douce et attentionnée avec moi ».
« Je suis toujours douce et attentionnée » répondit-elle avec un petit sourire qui se devinait sous le masque.
« Cela dit, je suis content que ma première fois soit avec vous ».
« C’est gentil, baissez votre masque et laissez-le sur la bouche »
« Même si je suppose que vous avez été la première fois de bien des hommes. Et de bien des femmes aussi ».
Je sentais un petit rire pointer sous son masque… et je portais alors l’estocade…
« On m’a toujours dit que pour une première fois, c’était mieux avec une professionnelle ».
Et l’infirmière d’éclater de rire à ce moment-là.
Sauf que ce moment-là, c’était le moment où elle avait déjà enfoncé le coton-tige dans la narine. Et qu’elle rata totalement son coup…
Pas de douleur particulière, cela dit. Je n’ai pas eu mal. Mais le nez a commencé à saigner sur mon masque. Horrifiée par son geste et complètement contrite, elle s’est précipité vers sa collègue pour récupérer une boîte de mouchoirs, alors que je la suivais, le nez en sang goûtant sur le masque. Pour la blague, parce qu’il y avait du monde qui attendait autour, j’ai lancé un petit « aaaaaaah, vous m’avez tuééééé. Je meeeeeurs ».
Résultat, une ado qui devait passer juste après moi et qui était déjà paniquée, a piqué une crise d’angoisse. Sa mère a dû l’emmener dehors. Un père qui a voulu cacher les yeux de son fils pour qu’il ne voit pas cette scène sanguinolente, lui a mis le doigt dans l’œil, le faisant hurler…
Une vraie scène d’horreur et de panique. Tout ça à cause d’un coton-tige.
Au final, après 10 minutes de chaos, le calme est revenu. Les gens ont vu que finalement, je n’allais pas mourir. L’infirmière, penaude et désolée, a refait le test avec précision, même si j’ai senti qu’elle tremblait un peu quand même.
Je suis négatif.
Demain, donc, je passe la journée à l’hôpital. On entre le matin, on sort l’après-midi, tout va bien se passer.
Ce n’est pas si pénible que ça, hein.
Sauf que vous vous en doutez, avec moi, les choses ne se passent jamais vraiment comme elles devraient.
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