Publié le Dimanche 18 octobre 2020 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

47

Voilà, donc. Cette semaine, j’ai eu 47 ans.

Je ne vais pas vous jouer le petit vieux avachi sur sa canne qui se demande comment le temps a bien pu filer aussi vite et pourquoi je suis sorti sans pantalon. Et ce que je peux bien faire ici. Et d’ailleurs, c’est où ici ?

Mais quand même. Y’a plein de trucs que je n’ai pas eu le temps de faire. Et les années qui passent ne jouent pas en ma faveur pour m’y mettre…

Le tir à l’arc. Alors certes. Je sais déjà tirer à l’arc. Je ne me démerde pas trop mal, d’ailleurs. Disons que j’arrive à choper une cible en mouvement. Faut juste que le mec ne coure pas trop vite.
Mais j’aurais aimé en faire de manière plus régulière. Plus intensive. J’aime bien le tir à l’arc. C’est cool. Et puis quand tu te promènes avec un arc, généralement, on ne te fait pas trop chier. Et dans le métro, on te laisse un siège.

Le caber. Je ne sais pas pourquoi, mais courir à poil sous mon kilt avant de lancer un tronc sur la gueule des gens, ça m’a toujours botté. J’suis un gros fan des Highland Games. Manque de bol, j’suis trop âgé pour m’amuser à balancer des troncs d’arbres. Des bouts de bois à la rigueur, mais les troncs d’arbre, c’est cuit. Et puis j’suis pas écossais. De cœur, certes. Mais ça ne compte pas. Même mon titre de Lair ne me donne pas droit à la nationalité écossaise. Tiens, d’ailleurs, voilà une autre chose que j’aurais aimé faire : vivre en Ecosse. Aller me baigner dans les loch en plein hiver. Me réchauffer à grandes rasades de whisky. Je me serais même teint la barbe en roux, s’il avait fallu.

Devenir archéologue. Cela dit, il faut bien préciser que le métier d’archéologue est bien loin des films Indiana Jones. On passe le plus clair de son temps à genoux dans le sable avec un petit pinceau à essayer de dégager un morceau de poterie à la con. Sauf que je n’ai plus le dos assez solide et les genoux assez résistants pour ça. Bon. Archéologue, non, en fait. Plutôt pilleur de tombes. Ouais, c’est cool, ça, pilleur de tombes en Egypte. Mais avec le respect d’un archéologue, hein. Pas à faire sauter une chambre mortuaire à la dynamite pour aller pus vite. Même si c’est amusant la dynamite, j’avoue.

Faire de l’Urbex. Ma passion pour les univers postapocalyptiques est sans doute à l’origine de ma fascination pour l’urbex. Explorer de vieilles bâtisses à moitié délabrées, où la végétation reprend peu à peu ses droits… J’aurais adoré faire de l’urbex. Seulement avec mon équilibre de merde et mes réflexes dignes d’un paresseux sous marijuana, c’est définitivement trop dangereux pour un type de mon gabarit.

Le skateboard. J’aurais adoré savoir faire du skateboard. Oh, pas me la jouer Tony Hawk à faire des Japan air, des Cannonball ou des Christ air. Mais juste quelques Kickflip, 180 ou quelques grinds faciles. Bref, juste des figures de débutant, histoire de me promener dans la rue à la cool. Parce que je trouve ça cool, le skateboard et les gens en skateboard. Parfaitement. Et j’aurais même accepté de porter des baggy s’il avait fallu.

Notez que quand je parle de Christ air, c’est une vraie figure de skate, hein. Pas la peine de sortir la feuille de boucher pour châtier mon hérésie. Et oui, je fais référence aux dramatiques événements survenus cette semaine. Je ne m’étendrais pas dessus pour autant. Tout est dit, parfois trop dit, parfois mal dit, mais tout a déjà été dit dessus. J’ajouterais juste deux petites choses, éventuellement.

La première est une évidence : oui, il faut défendre la liberté d’expression. C’est essentiel. Primordial. Il faut juste se souvenir que la liberté d’expression est intimement liée à l’ouverture d’esprit. Et les petits cons qui aujourd’hui affichent sur leurs comptes Insta ou Twitter les caricatures de Mohammed en soutien à cette liberté d’expression feraient bien de se souvenir de l’importance de cette notion, la prochaine fois qu’on critiquera leur chanteur ou leur jeu vidéo favori au lieu de se répandre en insultes, dénigrements et menaces sur le net. La liberté d’expression se défend au quotidien. Pas seulement quand frappe la barbarie.

La seconde chose que je pourrais ajouter, c’est qu’il ne faut pas confondre l’obscurantisme et l’islam. Le fanatisme et l’islam. Quand un crétin congénital, poussé par l’enseignement d’autres crétins congénitaux, décide de prendre les armes, la religion n’est plus qu’un prétexte. La connerie est humaine, pas religieuse. Alors ne faisons pas d’amalgame. Alors n’ostracisons pas l’Islam, comme pourraient le faire ces abrutis d’extrémistes de droite.
Je dis juste ça parce que le week-end dernier, ma femme a eu toutes les peines à me retenir de jeter des pavés à la gueule des cathos intégristes qui manifestaient à Versailles pour La Manif pour Tous (mais la tolérance juste pour eux) avec leurs petits drapeaux et leurs grands sourires à la con sur leur visage de grands cons. Je venais juste acheter une tarte. Et au passage, j’aurais aimé en distribuer quelques-unes.

Bref. Ce n’est pas la religion qui tue ou appelle à la haine. C’est l’homme. Sous couvert de la religion. Mais ça reste l’homme. Et c’est valable pour toutes les religions.

En attendant, j’suis certain que si tout ce beau monde se retrouvait pour tous s’enculer, le monde ne s’en porterait que mieux. On s’assiérait moins bien les premières fois, d’accord. Mais au final, ça élargirait l’horizon de tout le monde.

J’dis ça, j’dis rien.