L'Edito du dimanche

 

Publié le Dimanche 5 janvier 2020 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

2020, année du whisky

Oui, je sais, vous vous attendez sans doute à ce que je vous raconte mon réveillon du premier de l’an et que je vous souhaite une bonne année, une bonne santé, une bonne bourre et tout le toutim. Mais entre nous, mon réveillon de la Saint-Sylvestre fut tout ce qu’il y a de plus raisonnable et tranquille, et il n’y a donc pas matière à s’étendre dessus, ni à écrire un édito. Nous l’avons fêté à la maison, entre amis, calmement, raisonnablement, et il s’est déroulé de manière classique, comme chez tout le monde, à base de bon repas, de grandes discussions passionnées, de bons alcools, de quelques pas de danse, de tarzan sur le lustre, d’une fusée de feu d’artifice déclenchée par erreur dans le salon, de sapin qui commence à s’embraser et de fin soirée à faire des passes de corrida sur les voitures qui déboulaient dans la rue.

Bref, un réveillon classique, comme chez tout le monde.

Il faut dire, je n’étais pas dans une forme optimale. Deux jours auparavant, j’expliquais à ma fille aînée qu’il serait bon pour elle et pour sa santé mentale déjà pas bien brillante, qu’elle mette le frein sur l’utilisation du téléphone portable qui, depuis quelques temps, est vraiment devenu son meilleur ami. « Mais papa, je discute avec des gens, je me sociabilise » m’a-t-elle répondu.
Alors je me suis lancé dans une grande tirade pour lui expliquer que non, discuter via SMS ou envoyer des photos de merde sur Instagram ou Snapchat, ce n’est pas se sociabiliser, c’est du pognage virtuel et ça n’a strictement rien à voir avec une vraie relation. Et de lui rappeler sa dernière « grande histoire d’amour » dont l’évocation me provoque à chaque fois des crises de fou-rires mêlés d’une profonde consternation : durant ces vacances, elle a cédé à un camarade de classe qui lui courait après depuis plusieurs mois. Ils ont donc décidé de se déclarer « en couple ».
- « Regarde papa, c’est trop mignon, il me demande s’il peut m’appeler "sa princesse", il m’aime trop et moi je l’aime trop. Dis, quel surnom je peux lui donner, moi ? »
- « Gros con »
- « Non mais sérieux, papa »
- « Mon Gros con, si tu veux que ce soit plus intime »
- « Maaaaaais papaaaaa »
- « Ma petite fistule anale ? Quand on met "petit" devant un nom, ça fait tout de suite plus mignon… »
Au final, j’ai aussi proposé « mon petit situmtouchesmonpèretéclate » ou « ma petite tête de bite », ma fille n’a retenu aucune de mes propositions, preuve qu’en matière d’amour et de poésie, elle est nulle.
Leur déclaration d’amour étant uniquement via Whatsapp, ils ont décidé de se voir quelques jours plus tard, avant la rentrée des classes. Sauf qu’entre temps, l’échange a dégénéré et ma fille l’a envoyé se faire voir ailleurs.
Bref, son dernier couple n’a été que virtuel. Je n’ai bien entendu pas raté une occasion de lancer un « moi, de mon temps… » assorti de « quand on sortait avec une fille, on se voyait, on se galochait sur les bancs publics, dans les alcôves, contre les murs, entre deux cours, bref, partout où y’avait une occasion de se galocher et, parfois, quand c’était le jackpot, on arrivait à fourrer la main sous le t-shirt pour caresser les nibards ». Bon. J’ai vu que sur cette dernière remarque, j’étais allé trop loin. N’empêche que nous, on n’était pas « en couple », on « sortait avec une fille ». Et « sortir avec une fille » c’était au sens figuré, certes, mais aussi au sens propre. On ne restait pas comme des cons devant notre smartphone à s’inventer une vie.

Merde à la fin. Génération de débiles, va.

Comme j’ai vu que j’avais poussé le bouchon un peu loin et que j’avais fait de la peine à ma gamine, j’ai voulu me rattraper. Ça faisait plusieurs fois qu’elle me demandait de faire des crêpes. Alors j’ai fait des crêpes.

Je vous ai déjà raconté, dans un vieil édito, comme je fais les crêpes. Faire les crêpes, c’est long. Parce que j’en fais plein. Mais voilà, ça dure des plombes. Je suis devant ma poêle pendant que le reste de la famille vaque à ses occupations et j’enchaîne les retournés de crêpes d’un savant coup de poignet. Vue la quantité de pâte que je fais (parce que tant qu’à faire, autant faire la dose tellement c’est bon), je passe deux bonnes heures derrière les fourneaux. Il fait chaud. Je me déshydrate. Alors pour ne pas mourir de soif, je m’ouvre une petite bouteille de whisky et je m’octroie une gorgée à chaque fois que j’ai chaud. Et je peux vous dire que j’ai vachement chaud quand je fais des crêpes.
Bref, je fais des crêpes au whisky. Les crêpes pour les gamines, le whisky pour moi.
Une bouteille plus tard et toutes les crêpes terminées, il parait que j’ai fini en mettant la musique à fond à 1h du mat’, en dansant à poil dans la maison sur « Born in the USA » et « You Spin Me Round ». Ma femme m’a rattrapé alors que je voulais aller sonner, toujours nu, chez la voisine octogénaire, pour lui faire l’hélicobite « parce que ça fait longtemps qu’elle n’en a pas vu ». Et j’avais apparemment prévu d’enquiller sur toute la rue pour que ce soit plus festif en cette fin d’année.
Quand ma fille est descendue à 2h pour me dire que je l’empêchais de dormir, j’étais en train de jouer, tout seul, toujours à poil, au Quidditch à cheval sur mon balai-brosse violet. J’ai essayé de sauter dans le sapin pour « voir si les aiguilles ça faisait des chatouillis » et au final, ma fille cadette m’a retrouvé à 4h endormi dans les toilettes après avoir gerbé ce que je pouvais dans la cuvette.
« Pourquoi tu dors là, papa ? »
« Gniiii ? »
« Pourquoi tu ronfles dans les toilettes ? »
J’ai eu beau expliquer, le lendemain matin, que « le reste de magret fumé que ma femme a mis dans une de mes crêpes avait un goût bizarre et que c’est sûrement ça qui m’avait rendu malade et que si ma femme qui, elle aussi en a pris, n’a pas été malade, c’est que c’est moi qui ai eu le morceau avarié parce que j’ai pas de bol », personne ne m’a cru.

Bref.

Ma fille était en couple virtuel. J’ai fait des crêpes. Le lendemain, y’avait réveillon. Et le magret n’était pas frais. Y'a pas d'autre explication.

 

 
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Commentaires

Ecrit par jymmyelloco le 05/01/2020 à 13:11

 

1

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Inscrit le 03/05/2009

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j’étais en train de jouer, tout seul, toujours à poil, au Quidditch à cheval sur mon balai-brosse violet
Mes yeux et mon cerveau sont souillés par cette vision .... Ho mon dieu moi qui était si chaste !!!!!

Sinon bon année à ta famille et a toi.

3821 Commentaires de news

Ecrit par youri_1er le 07/01/2020 à 07:30

 

2

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Inscrit le 04/12/2009

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Bonne année !
La prochaine fois fait des crêpes sans lait, c'est le lait qui rend malade !

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