Publié le Dimanche 15 décembre 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Crash! Boom! Bang!

J’ai eu comme un petit coup de moins bien, cette semaine. Un petit coup de vieux. J’ai beau continuer à préférer mon t-shirt « Keep Calm and Hélicobite » plutôt qu’une chemise à carreaux ; j’ai beau continuer à préférer mon vieux jean dégueulasse et mon sweat informe plutôt qu’un costume coupé sur mesure ; j’ai beau continuer à préférer me taper un verre de ‘sky avant de remuer du croupion sur la dernière chanson d’Harry Styles (que, bizarrement, j’aime bien, ce qui a donné l’occasion à ma fille de se foutre de moi parce qu’Harry Styles chantait dans le groupe One Direction avant) plutôt que de me taper une verveine en écoutant du Bach ; et plutôt que d’enfiler mes charentaises, j’ai beau préférer entrer avec délicatesse dans ma chère et tendre épouse parce que c’est là qu’il fait le plus chaud, il n’empêche que, des fois, je sens le poids des années m’écraser de toute sa masse.

C’est un pote qui, au détour d’une conversation, me lançait qu’un obscur rappeur ricain était mort il y a peu, alors qu’il venait à peine de passer la vingtaine. Enfin, en tout cas, il était obscur pour moi. Autrement dit, j’en avais tellement rien à foutre que ça ne m’a pas empêché de me taper un sandwich diots-raclette double oignons marinés dans le vin blanc pour dîner. Le tout avec une bonne bière de Noël.

A contrario, j’ai appris cette semaine la disparition de Marie Fredriksson. Pour les incultes, il s’agissait de la chanteuse de Roxette. Et ça m’a fait un coup.
Alors certes, je n’ai pas chialé tel un môme, comme, par exemple, quand j’ai appris la mort de Terry Pratchett. Mais ça m’a quand même remué.
Ce n’était pas une de mes idoles, et même si j’ai effectué quelques pas de danse à l’époque sur The Look ou si j’ai pu emballer sur leur hit « It Must Have Been Love » une fois ou deux, je n’étais pas spécialement fan du groupe. Mais quand même. C’était un groupe de mon époque, quoi.

C’est un peu comme si j’apprenais la mort de Rose Laurens, de Dolores O’Riordan des Cranberries, de Johnny Clegg, de Mark Hollis le chanteur de Talk Talk, de Pete Burns, le chanteur de Dead or Alive, ou encore, je ne sais pas moi le chanteur des Cars, Ric Ocasek, par exemple. Ça me ferait un coup. Que des artistes ou groupes que j’écoutais étant jeune, quoi.  Voire moins jeune, encore, pour certains. Pourvu qu’ils soient tous éternels.

Bref, je ressens une certaine forme de tristesse, un certain vague-à-l’âme, comme si, à chaque pas, mon environnement se délitait peu à peu. Une certaine forme d’injustice, aussi, quelque part, quand on sait que, a contrario, des gens comme Maître Gims, Dadju, Jul, Heuss l’enfoiré et autres Niska et confrères, eux, sont toujours vivants. Quant à Aya Nakamura, il parait que les meilleurs partent les premiers, je vous jure que chaque jour je prie pour que ce ne soit pas vrai. Ou sinon qu’on puisse faire des exceptions.

En tout cas, voir ce qui a façonné l’époque dans laquelle vous avez grandi disparaître peu à peu, ça fait bizarre. Ça laisse un certain vide. Ça nous met surtout face à notre propre éphémérité. Moi j’ai toujours pensé que mon univers, mon petit monde, était éternel. Ou du moins, je voulais le croire. Je me trompais. Et ça fait chier.

Hier, je me suis pris à fredonner « Crash! Boom! Bang! » en faisant mes courses.

Mais bon. D’un autre côté, c’est aussi parce que je venais de heurter la pile de bocaux de cornichons avec mon caddie.

Bah. Vieux ou pas, on ne se refait pas, hein.