L'Edito du dimanche

 

Publié le Dimanche 8 décembre 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

A fond la forme

Le fond et la forme. Tout est là. Le fond et la forme. Deux notions primordiales qui régissent notre existence. Le fond et la forme. On a provoqué des guerres sur le fond, sans y mettre les formes. On a déjà provoqué des guerres sur la forme, alors que le fond était sain. Le fond et la forme. Deux notions primordiales qui ont rythmé ma semaine en profondeur.

Tout a commencé avec cette saleté de grève de merde.

Tenez. Rien que l’expression « saleté de grève de merde ». Sur le fond, j’ai raison. Par contre, j’aurais pu sans doute y mettre les formes.
D’ailleurs, parlons-en, de la grève. Sur le fond, à vrai dire, je m’en tamponne le coquillard, je m’en secoue les baloches contre un mur en crépi, voire, dans un pur moment de création artistique, je m’en secoue la nouille en séance d’hélicobite tout en écoutant « Light my Fire » des Doors.
Sur le fond, toujours, je peux comprendre que quand on a des avantages importants, on veuille les garder. Tout le monde sait que le navire prend l'eau de toutes parts, qu'il faut vraiment changer les choses, mais personne n'est prêt à faire les efforts nécessaires. C'est humain. J'aurais les mêmes ressentiments, sans doute, à leur place. Je peux comprendre. Sur le fond.

Sur la forme, par contre, moins. Une grève annoncée pour une journée, mais qui commence la veille (c'est une spécialité française), une grève lancée alors que les négociations entre syndicats et gouvernement n’ont même pas commencé, une grève lancée alors que les contours même de la réforme ne sont pas encore précisément définis, une grève qui, clairement, a des relents de nécessité de se refaire une visibilité pour des syndicats en perte de vitesse, et une grève dont le mot d'ordre est "faisons chier les gens juste pour que ça ait plus de portée médiatique", j’avoue, j’ai beaucoup plus mal à l’accepter. J’ai un peu l’impression qu’on m’a enfoncé un grand gant en latex sans même m’avoir prévenu qu’il fallait tousser au préalable.

Le fond et la forme. C’est d’ailleurs ce que me disait ma femme : « t’as raison de râler parce qu’on ne t’a pas prévenu que ton train était annulé alors que ça, pour envoyer des SMS de pubs, la SNCF, ils sont champions. Mais sur la forme, tu pourrais te modérer, maintenant, lâche ce contrôleur et arrête de lui coller des coups de boule, tu vois bien qu’il a déjà son nez rentré dans la figure ».

Le fond et la forme. En parlant de contrôleur, justement. Il y avait plus d’humanité dans le regard de certains gardiens de camps de concentration que chez la plupart des contrôleurs. Cette sale engeance, chahutée par des petits cons agressifs qu’ils n’osent, du coup, par lâcheté, pas verbaliser, se venge sur le voyageur innocent ou maladroit et lui fait payer toutes ses frustrations accumulées, sans aucune once de compréhension et d’empathie.
J’ai encore en mémoire cette femme qui a composté par erreur deux billets tarifs réduits enfants pour elle et son gamin, au lieu d’un adulte et d’un enfant. Alors qu’elle avait bel et bien des billets adultes également. Les billets sont visuellement identiques et ceux pour enfants, à tarif réduit, ne se vendent que par carnet de 10 qui vont, immanquablement, se mélanger un jour ou l’autre aux billets adultes dans son sac ou son portefeuille… Au lieu de lui composter un billet adulte supplémentaire et faire preuve de mansuétude, le contrôleur, bandant comme le petit chefaillon de merde qu’il était avec son petit pouvoir qui le persuadait à l’instant d’être supérieur à la plèbe, n’a rien voulu entendre. Sur le fond, je savais que j’avais raison de prendre la défense de la jeune mère, paniquée et les larmes coulant sur ses joues d’être traitée comme une criminelle (il fallait voir la manière dont ce connard lui parlait). Sur la forme, finir par lui dire d’aller se faire cuire le cul et souhaiter que ses enfants chopent le SIDA, c’est, paraît-il, plus discutable. Ça soulage, mais c’est discutable.

Le fond et la forme. D’un point de vue plus général, pour aller au-delà de mon ressentiment face au mouvement social actuel, j’ai toujours eu du mal avec ces deux notions de fond et de forme. Mais je fais des efforts, hein. Je travaille dessus.

Le fond et la forme. J’ai bien compris que sur le fond, le sandwich jambon-beurre tout ce qu’il y a de plus classique à 4,90 € et la petite bouteille d’eau à 2,50 €, c’est hors de prix. Sur la forme, demander si à ce prix-là, la vaseline est comprise à la boulangère, c’est maladroit.

Le fond et la forme. J’ai bien compris que sur le fond, expliquer à ma femme que je lui arracherais bien la culotte pour la prendre sauvagement à quatre pattes parce que je la trouve vraiment sexy dans sa petite robe noire, c’est adéquat. Par contre, lui expliquer ça dans la queue du supermarché, juste derrière la nana et ses trois enfants qui ont tous moins de 10 ans, sur la forme, c’est problématique, surtout quand il y en a qui demande ensuite « Dis, maman, c’est quoi une levrette ? ».

Bref. D’un point de vue global, je sais que sur le fond, j’ai tout bon.
Faut juste que je bosse clairement la forme. Ça fera moins mal. Enfin, aux autres, surtout. Mais je vous assure. Je fais des efforts. Tous les jours. Ça va forcément porter ses fruits un moment ou un autre. Parce que nous sommes tous des fruits. De beaux fruits bien mûrs. C’est juste que certains sont les fruits du chêne, quoi.

 

 
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Commentaires

Ecrit par 10r le 08/12/2019 à 12:25

 

1

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Inscrit le 18/03/2010

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La grève préventive, beau concept.
On ne sait pas encore pourquoi mais on est pas d'accord smiley 16

4890 Commentaires de news

Ecrit par Papa Panda le 09/12/2019 à 11:51

 

2

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Inscrit le 26/03/2014

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Ah parler de levrette et de culotte fendue au supermarché...
c'était le bon vieux temps...

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