Publié le Dimanche 15 septembre 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Le retour du bûcheron

L’automne n’est pas encore arrivé et l’été se prolonge encore quelques jours… un beau week-end comme ça, avouez que ça donne envie d’aller profiter des dernières chaleurs même si j’ai mon placard de fringues à trier, mon bureau à ranger, le grenier à nettoyer, la plinthe de la salle de bain à poser, la lampe du placard à changer, les fils électriques du salon à cacher et des lumières à installer dans la véranda. Et tant pis pour la tranquillité du foyer et les nombreuses récriminations féminines auxquelles je pourrais m’exposer avec un tel état d’esprit. Par ce temps, j’ai plus envie d’aller courir à poils dans les hautes herbes, qui à risquer de choper des tiques sur les couilles, que de manier du marteau. Et puis merde. C’est qui le patron ici, hein ? J’fais ce que je veux et puis c’est tout.

J’expliquais donc à ma douce, tendre, compréhensive et soumise moitié que je voulais profiter des derniers jours de beau temps pour aller faire le plein de vitamines D, à me la couler douce en pleine nature et qu’elle pouvait donc arrêter de me menacer avec cette poêle à frire.
« Et la bouteille de whisky, c’est pour quoi ? Boire un coup avec tes potes sangliers ? »
« Aha ! Pauvre ignorante que tu es ! La vitamine D ne fait pas tout dans l’organisme ! Il faut aussi de la vitamine B1, B2, B3 et B6 ! Une carence en vitamines B1 peut provoquer une insuffisance cardiaque et des troubles neurologiques, la vitamine B2 intervient dans le métabolisme de réparation des muscles, une carence en B3 peut provoquer la démence et la vitamine B6 est classée comme nécessité absolue par l’OMS ! Et le whiksy contient ces quatre vitamines ! » (cet argumentaire précieux en faveur de la consommation de whisky vous est offert gracieusement, je vous en prie, c’est cadeau). Bref, ôte-toi de mon chemin, femme ! » lançais-je, digne et la tête relevée, la posture élégante et dominatrice, tel César prêt à franchir le Rubicon, Napoléon à Marengo ou encore Rocco dans la scène de fin du film « Deep Inside Crystal Wilder ».

Je me voyais déjà traverser le village en slip, courir dans les champs de blé, me rouler dans les feuilles des sous-bois et terminer par une séance d’entraînement à l’hélicobite sur le terrain de golf à proximité de mon petit village, parce que faire l’hélicobite devant un parterre de trous, ça motive toujours. La journée, que dis-je, le week-end promettait d’être agréable et reposant.

Devant les remontrances, entre désespoir et résignation contrariée, de mes deux filles qui, je cite, « aiment bien leur papa mais l’aimeraient encore plus s’il arrêtait de leur coller la honte devant tout le monde et montrer sa bite à tout bout de champ » (alors que franchement, je n’ai pas besoin d’être au bout d’un champ pour faire ça) et après un aller-retour de Tefal revêtement antiadhésif cuisson facile sans matière grasse, je devais revoir mon planning du week-end.

« Tu veux sortir ? Bien. Y’a des arbres à couper chez mes parents » me sortait finalement ma pas si douce, pas si tendre, pas si compréhensive et finalement pas soumise du tout moitié, à mi-chemin entre l’ordre et l’obligation légale sous peine de bannissement nocturne sur le canapé.

Autant dire que mes aspirations à un membre tournoyant à grande vitesse étaient réduites à néant. Parce que les voisins de mes beaux-parents se sont déjà plaints. Et puis surtout parce qu’on évite d’être à poil quand on manie une tronçonneuse. On a tôt fait de se tromper de tronc d’arbre à couper.

Bref, j’ai coupé du bois. Plein de bois. Plein de saleté d’arbres immenses, à en finir la journée avec l’accent canadien. J’ai coupé du bois. Mais en slip, quand même.

On ne se refait pas.

Merde à la fin.

C’est qui le patron, hein ?