Publié le Dimanche 5 mai 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
L'Edito du dimanche
London is dead
La semaine dernière, je vous ai dévoilé mon amour pour l’Angleterre, son ambiance, sa manière de vivre, ses pubs, sa musique, la gentillesse des gens, ses pubs (oui mais ça mérite d’être cité deux fois, non ?). Bref, et même si pour ça, j’aurais pu être fusillé par la Garde Impériale napoléonienne voire déchiqueté par les hussards, j’ai cette affection toute particulière pour nos meilleurs ennemis d’Outre-Manche.Aujourd’hui, je voudrais quand même évoquer un léger bémol.
J’ai toujours aimé Londres. Depuis de longues années, j’essaie d’y aller au moins une fois par an ou une fois tous les deux ans. J’aime la ville, j’aime son côté underground, son côté libre, sans chichi. J’aime croiser une diversité extraordinaire de personnes. Quel que soit votre appartenance nationale, religieuse, culturelle, vous vous sentez le bienvenu. On y croise des gens de tous milieux, habillés de toutes les façons, et il n’est pas rare de croiser, en fin d’après-midi, alors que les pubs se remplissent, un type en costard cravate partager une pinte avec une fille aux multi-piercings, tatouée sur tout le corps, habillée en Kawaï avec des DrMartens customisées. Et sans que personne ne trouve ça décalé ou étrange. Les populations comme les passions s’y mélangent et personne ne vous regardera de travers parce que vous le croisez avec des cheveux arc-en-ciel, une chemise, cravate, veste accompagnées d’une jupe et des chaussettes hautes multicolores, sans oublier l’accessoire qui tue, bien entendu, la corne de licorne en serre-tête. Mieux encore : personne ne trouvera ça décalé. Quand en France, on vous jetterait limite des cailloux. Je le sais, j’ai déjà essayé.
J’ai toujours aimé Londres. Ses boutiques, ses monuments, sa douceur de vivre mêlée à une certaine frénésie propre à n’importe quelle capitale et, largement apportée, il faut le souligner, par les innombrables touristes qui arpentent ses rues.
J’ai toujours aimé Londres. Mais cette année un peu moins.
Je garde en mémoire ce que fut Carnaby Street à l’origine. Une rue punk, déglinguée, avec une atmosphère particulière. Un décalage délirant à deux pas de la très chic Regent Street, où l’on se perdait entre un disquaire, une boutique de fringues punks, une boutique de SM, un Sex-Shop, une autre boutique de fringues originale… Dans les années Pop-rock 80s, la boutique Boy London y trônait et n’était pas encore une marque chinoise. Je me souviens même de ce magasin avec en enseigne des… jambes de mannequin recouvertes de bas résilles qui dansaient le French Cancan…
Aujourd’hui, suite à une « politique d’assainissement du centre-ville », Carnaby Street n’est plus qu’une rue chic, sans âme, sans aucun intérêt où ne subsiste pas même l’ombre d’un punk. En témoigne la boutique DrMartens, marque underground à ses débuts, qui n’a plus de symbole d’une jeunesse révoltée que le nom. Et impossible d’y trouver une paire de pompes à moins de 130 €. C’est dire si le punk y est bel et bien mort.
C’est aussi le sort que subit Camden Market, malheureusement. Il y a encore 4 ou 5 ans, c’était le nouveau quartier underground. Des boutiques délirantes, une sorte de fourre-tout, de bric à brac à l’ambiance brocante où l’on pouvait aussi déjeuner dans des petites bicoques mal foutues, bricolées de bric et de broc, vendant des plats des pays du monde entier.
Les baraques ont été remplacées il y a peu par des stands uniformisés, les boutiques se professionnalisent pour toutes se ressembler et si subsistent encore quelques objets hors-du-commun, on assiste véritablement à un lissage, une bascule vers le « politically correct », le quartier devenant la proie des promoteurs immobiliers qui y construisent de nouvelles oasis pour bobos argentés bouffeurs de quinoa.
Bref, Londres m’a déçu. La disparition ces dernières années des boutiques Tower Records ou HMV, où j’aimais me perdre pendant des heures n’y est pas étrangère, également.
J’ai peur que la ville sombre, comme c’est totalement le cas en France, dans cette ambiance « bienpensante » et formatée, dans ce carcan fade où la « norme » veut nous enfermer. Alors que moi, tout ce que je veux, c’est pouvoir continuer à faire l’hélicobite avec mes potes Iggy, Johnny Rotten et Mick Jones.
Punks not dead, baby.
Punks not dead.
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