Publié le Dimanche 21 avril 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Apprenez à fermer votre gueule, ça me fera des vacances

L’évènement principal de cette semaine est donc la bonne grosse flambée parisienne lancée à Notre-Dame, sorte de répétition festive de la Saint-Jean qui, pourtant, je vous le rappelle, intervient normalement fin juin.
En attendant, la flèche pointe désormais vers le bas et les gargouilles ont eu très très chaud au cul.

Personnellement, j’ai vécu cet évènement avec une sorte de fascination extatique et le regret éternel de ne pas avoir été sur place avec un paquet de marshmallows sur moi.

Ne vous méprenez pas : voir en flammes ce symbole non seulement parisien mais surtout français qui, de par son aura et sa popularité, a depuis longtemps dépassé le seul stade religieux, m’a rempli d’une infinie tristesse. Avant même le dessin animé signé Disney, ce sont les suppliques d’un Anthony Quinn dans le film de 1956 qui me sont revenus en mémoire et j’ai eu l’impression de voir partir en fumée la danse de Gina Lollobrigida en même temps que la toiture de l’édifice.
Une infinie tristesse, donc. Et le regret quand même de ne pas avoir été sur place avec un paquet de marshmallows sur moi.

Chacun, sur les réseaux sociaux, y est allé de sa petite larme. Et, malheureusement pour certains, de leurs petits commentaires.

J’ai beau être habitué à Internet, j’ai beau m’y perdre depuis de trop longues années déjà, j’avoue que je reste toujours étonné de voir à quel point les gens sont cons. Mais attention, hein, pas des cons splendides et gracieux dont l’idiotie frise le génie. Non, des cons. De la manière la plus insignifiante et la plus détestable qui puisse exister. Simplement, passablement, dramatiquement, indéniablement cons. De manière totalement irrécupérable. D’une connerie sidérante doublée d’une malhonnêteté inintellectuelle crasse.

Je m’explique. La reconstruction de Notre-Dame de Paris prendra des années. Peut-être même des dizaines d’années. J’avoue, j’espère être encore parmi vous pour la voir retrouver sa superbe. Peu importe. Il faudra le faire. Et il faudra le faire bien.
Et pour ça, il faudra de l’argent. Beaucoup d’argent. Les travaux de rénovation étaient estimés à quelques 100 millions d’euros. Inutile de vous dire que là, ça va coûter beaucoup plus cher. Et, si on peut l’espérer, il n’est toutefois pas certain que le milliard « promis » par les premiers donateurs suffise.

Peu importe. Les « puissants » (tout du moins financièrement) de ce monde ont rapidement fait montre de leur générosité. 200 millions d’un côté, 100 millions de l’autre… pour ceux qui ont été rendus publics. D’autres viendront ensuite.

Et bien moi je trouve ça très bien. Excusez du peu. Et je ne vois même pas où est le problème s’ils bénéficient d’exonération d’impôts suite à ces dons. Ils font des dons. Et sans ces dons, la reconstruction serait, à défaut d’être impossible, sans doute beaucoup plus compliquée et longue. Ils ont les moyens, ils font des dons. S’ils n’avaient rien fait, il se serait trouvé quelques trous du cul pour dénoncer leur avarice. Là, ils font montre de générosité et quelques trous du cul (sans doute les mêmes) crient au scandale sous prétexte qu’ils donnent « pour bénéficier d’avantages fiscaux ».
Putain. Ils donnent. C’est tout ce que l’on doit voir. Ils donnent et oui, la loi est faite pour offrir des avantages fiscaux à ceux qui donnent. C’est ainsi. Ce ne sont pas eux qui l’ont faite, cette loi (pour rappel, c’est Coluche qui en est à l’origine) mais elle existe.  Elle existe pour inciter, justement, les uns à donner et les autres à donner plus.
Ils ne donnent pas, on les conchie. Ils donnent, on les conchie aussi. Oui, bon, en fait, c’est dans la stricte mouvance de cette éternelle jalousie détestable du « tous les riches sont des salauds ». C’est dingue, d’ailleurs, parce que j’ai l’impression que tout le monde aimerait être un salaud, au final.

Et d’ailleurs, parmi tous ces trous du cul bêlants, combien, eux, vont donner ? « Ah mais tout le monde n’a pas les mêmes moyens » me répondra-t-on. Certes. Mais je n’ai pas dit que chacun devait balancer 100 millions sur la table. Et si les personnalités politiques qui montent au créneau donnaient ne serait-ce que 1 ou 2% de leurs frais de fonctionnement (bouche, déplacement, vacances…), peut-être même qu’elle serait réparée bien plus vite, notre bonne vieille cathédrale.

Il serait peut-être temps, au final, que les gens apprennent simplement à fermer leur gueule. On parle de cours de réseau sociaux pour les collégiens. On devrait coller des cours pour apprendre quand il faut l’ouvrir et quand il faut la fermer, histoire que les générations futures ne soient pas aussi connes que les générations présentes.

Parfois, j’aimerais bien être Ray Charles, pour ne plus lire autant de conneries sur Internet. Et Beethoven pour ne plus en entendre. Pas certain qu’aveugle et sourd, je devienne un génie de la musique. Mais au moins, je serais plus peinard et aurais moins l’impression, chaque jour, de marcher au beau milieu de la fange.

Il existe des centaines d’associations caritatives. Des dizaines d’évènements destinés à encourager les dons, du Téléthon au Sidaction, et j’en passe. La France est l’un des pays au monde les plus généreux en matière de dons à des associations. Qu’il s’agisse de gens riches ou de gens qui le sont moins, peu importe. Les français donnent. Massivement. C’est cela, et non autre chose, dont on devrait se souvenir.