Publié le Dimanche 28 mai 2017 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

La journée du short

Ma femme me le fait souvent remarquer : j’ai quelques lacunes au niveau « contact humain ». J’ai beau protester et expliquer que non, j’ai plein de contact avec les autres humains, souvent des contacts entre ma main et leur gueule, elle n’en démord pas. Tenez, quand on est invité chez des amis et qu’elle sait que nous y croiserons des personnes que nous ne connaissons pas encore, elle ne manque pas de me rappeler de « bien me tenir », de « ne pas faire de vagues » et de « ne pas passer pour un putain de psychopathe comme d’habitude ». Personnellement, je trouve qu’elle exagère. Je sais très bien me tenir et de toute manière, ce n’est pas de ma faute si nos amis invitent des cons en même temps que nous. Et la dernière fois, d’ailleurs, je n’ai pas fait pleurer la dame. Juste son mari.

Tiens, d’ailleurs, pour changer de sujet, il n’y a pas si longtemps l’un d’entre eux soulignait à quel point j’étais démissionnaire de mes responsabilités de père, alors que je venais simplement de dire que dans la mesure du possible, je laissais à ma femme les rapports parents-profs et que je ne m’en mêlais que rarement, voire jamais si je pouvais éviter. Après lui avoir négligemment et par accident planté une écrevisse dans l’œil, j’expliquais à l’importun que justement, mon rôle de père étant de protéger au maximum ma progéniture, mieux valait pour qu’elle puisse suivre une scolarité « normale », que je n’ai aucun contact avec le corps enseignant.

D’ailleurs, les rares fois où j’ai voulu intervenir, c’est ma femme qui me l’a gentiment déconseillé, m’expliquant que je pouvais annuler ma commande de bassines et de sacs de béton, et ranger mon e-mail là où le soleil ne brille jamais, qu’elle allait gérer ça toute seule, que ça serait sans doute mieux pour tout le monde, et que d’ailleurs, envoyer un message dans lequel on explique qu’on va venir péter les deux genoux d’un prof ou d’un directeur puis foutre le feu à sa maison, ça ne résout rien. J’ai quand même répondu que si, ça aide à résoudre la crise de l’immobilier, elle n’a rien voulu entendre. Elle est vachement bornée, ma femme, des fois.

Rien que la semaine dernière, nous étions en plein dans ce cas délicat de relation corps-enseignant/psychopathe. Parce que les mots « débiles médiévaux » ne doivent soi-disant pas être envoyés par e-mail à un collège, ni même l’expression pourtant fleurie de « ose mettre une heure de colle à ma gamine et je viens réajuster le trottoir avec ta gueule ». Pourtant, je trouvais que j’étais dans le thème : à morale médiévale, réaction médiévale. J’avais même sorti le tisonnier au cas où.

Tout a commencé quand ma fille est rentrée d’une journée de cours en expliquant, gênée et mal à l’aise, que deux surveillants lui avaient fait des remarques sur son short. Un short qui arrive à mi-cuisses, tout ce qu’il y a de plus correct, un petit short habillé comme les jeunes filles en portent tant. Autrement dit, pas de short à l’école, c’est trop court, ça heurte la morale et les bonnes mœurs. La prochaine fois, c’est une heure de colle en punition. Cachez cette cuisse que je ne saurais voir. Mon Dieu, une jambe ! Sorcellerie ! A cet âge-là, forcément, ce genre de réflexion est vécu comme une honte et ma gamine a tôt fait d’aller enfiler un jean qu’elle porterait sans faute durant sa journée de cours le lendemain. Et qu’importe si les températures tapent dans les 35°C en extérieur en plein cagnard, 40°C en intérieur (vous avez déjà vu une salle de classe avec la clim, vous ?) : c’est pantalon et col roulé obligatoire.

Selon le règlement intérieur, il faut effectivement avoir « une tenue correcte et décente ». Ce que je peux comprendre et qui, du coup, exclut heureusement le string qui dépasse, le short qui laisse apparaître la naissance des fesses, la jupe « culotte apparente » et autres décolletés nichons à l’air ou fringues totalement crades et déchirées, totalement inadaptées à des ados de 12-15 ans. Je peux comprendre tout ça. Et à moins de rêver de tripoter des petites filles pré-pubères ou qui le sont à peine, vous êtes forcément de mon avis.
Mais un short… faut pas déconner quand même….
Alors avant de prendre la défense de ces réactions archaïques et m’expliquer à grands renforts de théories fumeuses à quel point je suis à côté de la plaque et que le short est l’ennemi de la paix dans les cours de récré, laissez-moi vous expliquer mon raisonnement : les shorts, et on parle bien de shorts « classiques », pas de minishort ni même de short de sport, notez bien, sont tout à fait tolérés en maternelle et en primaire. Il n’y a jamais eu, à ma connaissance, aucune réflexion à ce sujet. Donc s’ils sont prohibés au collège, c’est qu’il y a une volonté de sexualiser l’habit et d’imposer un format de tenue selon l’âge. Et c’est ça qui me dérange.
Faut-il revenir à l’uniforme, pantalon pour les garçons, jupes longues plissées pour les filles ? Faut-il revenir une centaine d’années en arrière ? La femme doit-elle être à tout prix enfermée dans des carcans vestimentaires dès qu’elle sort de l’enfance ? Putain, 70 ans de féminisme pour en arriver là ?

J’ai depuis appris que de nombreux collèges imposent l’interdiction du short. Certains allant même jusqu’à obliger les gamines à enfiler un vieux survet’ qui pue en guise de punition. Et on parle de collège public, hein, pas privé.

Enfin, il est à souligner également qu’au lycée, dans la majorité des cas, après renseignement, les shorts ne sont pas interdits. Et je continue de parler de shorts classiques, pas de ras-du-cul ou short dégueulasses troués de partout façon « t’as vu mon épilation ».

Bref, pour conclure, avant que je ne finisse de huiler ma batte (j’aime bien, ça permet de ripper sur les dents et d’éclater le nez en un seul coup), j’aimerais que l’on m’explique en quoi un short est une tenue indécente et qu’elle heurte la morale ou qu’elle est un élément perturbateur au collège. Merci à vous et bonne fête maman.